Les mains tremblantes d’émotion, Hortense Burihe serre contre elle son précieux chargement : œufs, farine, riz et ces bassines qui symbolisent bien plus que de simples ustensiles de commerce. « Je vais faire ce commerce pour arriver à me prendre en charge et voir comment mes enfants vont grandir », confie-t-elle, les yeux brillants d’un espoir retrouvé. Comme elle, environ 100 femmes des villages Kingarame et Kibumba, dans le territoire de Nyiragongo au Nord-Kivu, viennent de recevoir des kits de démarrage d’activités génératrices de revenus (AGR).
Cette initiative porteuse d’espoir s’inscrit dans un projet d’appui à l’autonomisation des femmes et des filles mis en œuvre par l’ONG Action unie pour le développement intégral en RDC (AUDI Congo) avec l’appui du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Après plus de deux ans passés dans les camps de déplacés autour de Goma, ces femmes tentent enfin de reconstruire leur vie, de reprendre en main leur destin et celui de leurs familles.
Mais comment redémarrer une vie économique après avoir tout perdu ? Comment retrouver une autonomie financière quand on a vécu dans la précarité des camps de déplacés ? Le projet a justement été pensé pour répondre à ces défis cruciaux. Madame Kavira Linda, cheffe du projet, explique l’approche personnalisée : « Il y a celles qui ont choisi l’agriculture des pommes de terre, des choux, celles qui ont choisi le petit commerce ; par exemple pour l’agriculture, on a donné les semences et tous les outils aratoires. Pour le petit commerce on a donné tout ce qui va avec : l’étalage, le parasoleil pour se protéger de la pluie ; il y a celles qui ont choisi la préparation des beignets. »
Cette diversification des activités génératrices de revenus dans le Nord-Kivu témoigne d’une compréhension fine des réalités locales et des compétences existantes. Les kits AGR distribués à Nyiragongo ne sont pas des dons standardisés mais bel et bien adaptés aux choix et aspirations de chaque bénéficiaire. Une approche qui fait toute la différence dans un contexte post-conflit où la dignité et l’agentivité des personnes doivent être au cœur de toute intervention humanitaire.
L’autonomisation des femmes en RDC passe nécessairement par ce type de soutien concret. Dans une région meurtrie par les conflits, où les déplacements de population ont bouleversé les structures sociales et économiques traditionnelles, ces femmes deviennent les architectes de leur propre relèvement. Leur détermination est palpable : elles promettent de « bien travailler afin de réaliser des profits pour prendre en charge leurs familles ».
Pourtant, derrière cet optimisme légitime plane une ombre menaçante : l’insécurité persistante dans la région. Ces femmes le savent mieux que quiconque, elles qui demandent « une paix durable dans leur village, sans laquelle tous leurs efforts seraient anéantis ». Leur appel résonne comme un avertissement : le développement économique ne peut fleurir que sur le terreau de la stabilité et de la sécurité.
L’action d’AUDI Congo et du PNUD dans le Nord-Kivu démontre qu’avec un accompagnement adapté et des ressources adéquates, les femmes déplacées de Nyiragongo peuvent devenir des actrices clés du développement local. Leur résilience force l’admiration, leur courage inspire le respect. Mais jusqu’à quand devront-elles vivre avec cette épée de Damoclès de l’insécurité ?
Les kits AGR distribués représentent bien plus qu’une simple assistance humanitaire : ils incarnent une reconnaissance de la capacité des femmes à être des moteurs économiques dans leurs communautés. Ils symbolisent également l’importance des activités génératrices de revenus dans les processus de reconstruction post-conflit. Alors que le soleil se lève sur Kingarame et Kibumba, ces femmes commerçantes, agricultrices et cuisinières écrivent une nouvelle page de leur histoire, une page où elles ne sont plus victimes mais entrepreneures, non plus assistées mais autonomes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
