Dans les collines verdoyantes de Masisi, au Nord-Kivu, le contraste est saisissant entre la fertilité des terres et la précarité de celles qui les cultivent. À l’occasion de la Journée internationale de la femme rurale, célébrée ce 15 octobre, notre rédaction s’est rendue dans ce territoire où les femmes rurales portent littéralement l’agriculture sur leurs épaules, sans pourtant en récolter les fruits mérités.
« Je me lève à 4 heures du matin pour aller au champ, je travaille jusqu’au coucher du soleil, mais je ne possède même pas la terre que je cultive », témoigne Zaina, présidente de la coopérative Tuungana, les mains marquées par des années de labeur. Son histoire résonne avec celle de milliers d’autres femmes rurales Masisi qui constituent pourtant le pilier invisible de la sécurité alimentaire dans cette région.
Le paradoxe est amer : celles qui nourrissent leur communauté sont souvent celles qui mangent le moins. L’agriculture femmes RDC repose majoritairement sur leurs épaules, mais le système traditionnel leur refuse l’accès à la propriété foncière. Comment expliquer que celles qui produisent 80% des denrées alimentaires ne possèdent que 2% des terres agricoles ?
La coopérative Tuungana représente un rayon d’espoir dans ce paysage difficile. Cette structure accompagne près de 500 femmes dans leur quête d’autonomisation femmes Nord-Kivu à travers des formations en techniques agricoles durables et la mise en place de systèmes d’épargne collective. « Avant, je devais mendier auprès de mon mari pour chaque besoin. Aujourd’hui, grâce à notre groupe d’épargne, j’ai pu acheter des chèvres et payer la scolarité de mes enfants », confie une membre de la coopérative.
Pourtant, les défis s’accumulent. Le changement climatique se manifeste par des saisons imprévisibles qui dévastent les récoltes. « L’année dernière, la sécheresse a détruit tout mon champ de maïs. Cette année, ce sont les pluies torrentielles qui ont tout emporté », déplore une agricultrice rencontrée sur le chemin de son champ.
L’isolement des villages aggrave la situation. L’absence d’infrastructures routières dignes de ce nom transforme le simple acheminement des récoltes vers les marchés en véritable parcours du combattant. Les femmes doivent souvent parcourir des kilomètres à pied, leurs produits sur la tête, pour espérer les vendre à des prix dérisoires.
La question des droits fonciers femmes Congo reste au cœur des préoccupations. Sans titre de propriété, comment ces femmes peuvent-elles investir durablement dans leurs terres ? Comment peuvent-elles obtenir des crédits pour développer leurs activités ? Le cercle vicieux de la pauvreté se perpétue ainsi, de génération en génération.
Malgré ces obstacles, la résilience des femmes de Masisi force l’admiration. Elles innovent, s’organisent en coopératives, partagent leurs savoirs ancestiaux tout en adoptant de nouvelles techniques. Leur combat dépasse la simple survie : il s’agit d’une quête de dignité et de reconnaissance.
À l’heure où la sécurité alimentaire de la RDC repose en grande partie sur leur travail invisible, ne serait-il pas temps d’écouter leur appel ? Garantir l’accès à la terre, investir dans les infrastructures rurales, reconnaître officiellement leur contribution à l’économie nationale : autant de mesures urgentes qui pourraient transformer durablement leur condition.
La véritable autonomisation femmes Nord-Kivu passera nécessairement par une réforme profonde du système foncier et par des investissements ciblés dans l’agriculture familiale. Car derrière chaque femme rurale de Masisi se cache non seulement une productrice, mais aussi une mère, une éducatrice, et une gardienne des traditions agricoles ancestrales.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
