Dans les collines verdoyantes de Masisi, au Nord-Kivu, les mains calleuses de Zaina retournent la terre avec une détermination qui défie les préjugés. « Nous nourrissons nos familles, nos communautés, mais qui nous reconnaît vraiment ? » interroge cette agricultrice de 45 ans, présidente de la coopérative Tuungana. Son témoignage poignant révèle le paradoxe criant des femmes rurales Masisi : principales actrices de l’agriculture locale, elles restent pourtant les grandes oubliées du développement.
Le tableau est sombre, mais tellement réel. Ces femmes qui constituent l’épine dorsale de l’agriculture Nord-Kivu se heurtent quotidiennement à un triple défi. D’abord, l’injustice foncière : « Le champ appartient traditionnellement à l’homme, les femmes n’ont pas de droit foncier », déplore Zaina. Ensuite, les caprices du climat qui détruisent les récoltes de manioc, de maïs et de haricots. Enfin, l’isolement : « L’absence de routes complique l’écoulement de nos récoltes vers les marchés ».
Pourtant, face à ces obstacles, l’ingéniosité des femmes rurales ne faiblit pas. La coopérative Tuungana représente aujourd’hui un véritable rempart contre la précarité. Grâce à des formations en agriculture durable, la mise en place de groupes d’épargne (AVEC) et des distributions de matériel agricole, ces femmes transforment progressivement leur destin. Mais comment expliquer que ces héroïnes de l’ombre doivent encore se battre pour la simple reconnaissance de leur travail ?
La question des droits fonciers femmes Congo reste particulièrement épineuse. Sans titre de propriété, comment ces agricultrices peuvent-elles investir sereinement dans leurs terres ? Comment planifier l’avenir quand le sol que l’on cultive peut vous être retiré à tout moment ? Cette insécurité juridique perpétue un cycle de pauvreté qui affecte toute la chaîne de production alimentaire.
L’autonomisation femmes RDC passe nécessairement par une révolution des mentalités. Les femmes de Masisi ne demandent pas la charité, mais la justice. « Nous voulons être considérées comme des partenaires à part entière dans le développement de notre région », insiste une membre de la coopérative Tuungana. Leur combat dépasse largement le cadre agricole : il s’agit d’une quête pour la dignité et l’égalité des chances.
À l’heure où la sécurité alimentaire de la région semble plus fragile que jamais, ne serait-il pas temps d’écouter enfin la voix de celles qui nourrissent les populations ? Les infrastructures rurales, l’accès au crédit, la formation technique et la protection juridique représentent des investissements urgents. La résilience des communautés rurales dépend directement de l’autonomie économique de leurs femmes.
Alors que le monde célèbre la Journée internationale de la femme rurale, les agricultrices de Masisi lancent un appel poignant aux autorités et aux partenaires au développement. Leur message est clair : investir dans les femmes rurales, c’est investir dans la sécurité alimentaire, dans la stabilité sociale et dans l’avenir de toute une région. Le temps des promesses est révolu, place maintenant à l’action concrète.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net