Dans la province du Tanganyika, une crise humanitaire silencieuse continue de faire des ravages. L’Hôpital général de référence de Nyunzu a pris en charge plus de 80 victimes de violences sexuelles depuis le début de l’année, un chiffre qui révèle l’ampleur des séquelles laissées par les conflits ethniques entre communautés Twa et Bantous.
Comment une région peut-elle se reconstruire lorsque ses femmes portent les cicatrices invisibles de la violence ? Le Dr Paulin Munganga, Médecin-Directeur a.i de l’établissement, nous éclaire sur cette situation préoccupante. « Nous sommes dans une zone post-conflit où les besoins sanitaires restent immenses », confie-t-il, tout en reconnaissant les progrès accomplis grâce au soutien du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).
L’assistance offerte aux survivantes de violences sexuelles à Tanganyika dépasse le simple traitement médical. Il s’agit d’une prise en charge holistique qui inclut un accompagnement psychologique et social, dans le cadre du projet de Réponse Rapide (UniRR) financé par BHA et ECHO. Cette approche globale est essentielle pour aider les victimes à retrouver leur dignité et leur place dans la communauté.
Mais les défis sanitaires dans cette région ne se limitent pas aux violences sexuelles. La malnutrition à Nyunzu représente une autre bataille quotidienne pour le personnel soignant. L’hôpital Nyunzu, avec l’appui de l’UNICEF et d’ONG partenaires comme FEDEM, a développé une stratégie offensive contre ce fléau. La distribution de Plumpy’Nut et d’autres intrants nutritionnels a permis des résultats spectaculaires : plus de 70% d’enfants guéris au cours des trois derniers mois.
« La malnutrition était dominante sur certains axes, mais nous avons sensiblement réduit ce fléau », se réjouit le Dr Munganga. L’approche inclut même la restauration et le transport pour les enfants venant des zones reculées, reconnaissant que la distance ne devrait pas être un obstacle aux soins essentiels.
Derrière ces chiffres encourageants se cache un système de détection précoce grâce aux relais communautaires mobilisés par l’UNICEF dans les différentes aires de santé de Nyunzu. Ces sentinelles de la santé identifient les cas de malnutrition avant qu’ils ne deviennent critiques, permettant une intervention rapide et efficace.
L’appui de l’UNICEF à l’HGRN va bien au-delà de la réponse d’urgence. L’équipement moderne transforme progressivement les conditions de travail : bloc opératoire équipé de lampes scialytiques, concentrateurs d’oxygène, lits d’hospitalisation, matelas, couveuses… Autant d’outils qui changent concrètement la donne pour les patients et le personnel soignant.
« La prise en charge des patients s’est considérablement améliorée. Les réalisations sont louables et palpables », témoigne le Médecin-Directeur a.i, visiblement satisfait des progrès accomplis.
Dans les centres de santé périphériques comme celui de Mangala, l’impact se fait également sentir. L’infirmier titulaire Joseph Manda souligne l’appui en matériel pour la maternité et l’accompagnement des enfants malnutris. La sensibilisation à l’importance de la vaccination contre la rougeole et autres maladies complète cette approche préventive.
La lutte contre les maladies hydriques représente un autre front important. Le projet FDAL (Fin de la défécation à l’air libre) mené dans les 25 aires de santé de Nyunzu vise à prévenir des maladies comme la typhoïde. La construction d’installations hygiéniques pour une centaine de familles illustre cette volonté d’attaquer les problèmes à la racine.
Au village Mufwa, le relais communautaire installé par l’UNICEF permet une prise en charge des soins de santé primaire d’urgence pour les enfants de moins de cinq ans. Elise Milambwe, infirmière sur le site, témoigne de l’importance de cette structure qui reçoit plus de dix enfants malades par jour. Malgré les difficultés persistantes, comme les ruptures de stock de médicaments, cette présence en première ligne fait la différence.
La participation communautaire, incarnée par les Cellules d’animation communautaire (CAC), étend l’impact des interventions bien au-delà des murs de l’hôpital. Doudou Lwamba, président de cette structure à Mufua, explique que leur travail englobe la promotion des soins, le respect du calendrier vaccinal et les principes du vivre-ensemble.
Les formations sur le dépistage de la malnutrition et les activités génératrices de revenus financées dans le cadre du projet UniRR créent un cercle vertueux où la santé et le développement économique se renforcent mutuellement.
Face à cette crise ethnique Twa Bantous dont les conséquences sanitaires persistent, la réponse coordonnée déployée à Nyunzu montre qu’avec des moyens adaptés et une approche globale, il est possible de transformer durablement une situation humanitaire critique. Le chemin reste long, mais chaque enfant sauvé de la malnutrition, chaque femme accompagnée après des violences sexuelles, représente une victoire contre le fatalisme.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net