Le marché parallèle des devises à Kinshasa fonctionne selon des mécanismes complexes où cambistes et changeurs naviguent entre les directives de la Banque centrale du Congo et les réalités du terrain. Une enquête de terrain révèle les stratégies de survie économique déployées par ces acteurs financiers informels qui tentent de concilier rentabilité et alignement sur les taux officiels.
Comment les cambistes kinois parviennent-ils à maintenir leurs activités dans un environnement économique aussi volatile ? La réponse se trouve dans la structure même de la chaîne d’approvisionnement en devises. Les grossistes, ayant un accès direct aux réserves de la BCC, opèrent avec des marges réduites mais sur des volumes importants, tandis que les détaillants doivent composer avec des coûts d’acquisition plus élevés.
Francis Kayembe, changeur à Kintambo-Magasin, illustre cette précarité : « La volatilité des taux nous oblige à une vigilance constante. Quand la BCC ajuste son cours du jour, nous devons immédiatement recalculer nos marges pour éviter des pertes significatives. » Cette sensibilité aux fluctuations du taux de change BCC crée un environnement où chaque décision compte.
Le témoignage de Roland, cambiste au rond-point Huilerie, dévoile les écarts structurels : « La différence entre grossistes et détaillants représente un défi quotidien. Les premiers bénéficient de conditions privilégiées à la BCC, tandis que nous devons nous approvisionner auprès d’eux avec une marge déjà intégrée. » Ce système à deux vitesses explique en partie les écarts observés entre le marché officiel et le marché parallèle devise.
La Banque centrale du Congo, dans son dernier communiqué, rappelle que les transactions de change suivent la logique de l’offre et de la demande. Cependant, cette approche libérale contraste avec les réalités vécues par les changeurs monnaie Kinshasa qui doivent composer avec des contraintes d’accès et des coûts opérationnels invisibles.
Quelles conséquences cette situation génère-t-elle sur l’économie congolaise ? D’abord, elle maintient une pression inflationniste sur le franc congolais, puis elle crée des distorsions dans le système financier national. Les entreprises et particuliers se retrouvent confrontés à une dualité de taux qui complexifie leurs planning financiers.
Les cambistes interrogés à travers différents points stratégiques de la capitale – de Ngiri-Ngiri à Petro-Congo à Masina – soulignent tous la même réalité : leur activité représente moins une opération de spéculation franc congolais qu’une stratégie de survie économique. « Nous ne spéculons pas, nous nous adaptons », résume l’un d’eux.
Cette enquête révèle ainsi les mécanismes sous-jacents du marché des changes à Kinshasa, où chaque acteur tente de trouver son équilibre entre contraintes réglementaires et impératifs économiques. La question reste ouverte : comment harmoniser ces différentes réalités pour stabiliser durablement la valeur du franc congolais ?
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
