Une semaine de crise scolaire paralyse la ville de Lodja, au cœur de la province du Sankuru. Comment une tragédie locale peut-elle priver d’éducation plus de 10 000 élèves? La mort violente du président des jeunes du quartier Otekele continue de faire des vagues, plongeant le système éducatif catholique dans l’incertitude la plus totale.
Le drame remonte à huit jours maintenant, mais les tensions demeurent palpables dans les rues de Lodja. Selon plusieurs sources locales, le jeune leader aurait été agressé mortellement par des sympathisants d’un candidat malheureux aux élections des représentants élèves du Lycée Lokenye, établissement dirigé par les sœurs franciscaines. Cette violence gratuite a immédiatement provoqué un choc dans toute la communauté éducative.
La situation devient d’autant plus préoccupante que la dépouille de la victime serait restée sans prise en charge toute une journée, sa famille réclamant toujours réparation pour les préjudices subis. Cette image insoutenable a visiblement attisé la colère des jeunes de la ville, qui menacent désormais ouvertement de perturber les activités scolaires pour venger leur camarade.
Face à cette escalade inquiétante, les autorités provinciales ont pris une décision radicale. Grégory Bokoma, directeur provincial de l’EPST Sankuru 1, est intervenu lors d’une émission sur Radio Télé Losanganya pour lancer un appel solennel aux parents : « Nous allons adopter ce que nous appelons l’éducation en situation d’urgence. Le calendrier scolaire est affecté. Les inspecteurs et les enseignants sont présents, mais tant que les mesures sécuritaires ne sont pas prises de manière efficace, aucun parent ne peut se permettre d’envoyer son enfant à l’école pendant que des coups de feu retentissent ».
Cette déclaration officielle marque un tournant dans la gestion des crises scolaires en RDC. Le concept d’« éducation en situation d’urgence », jusqu’alors réservé aux zones de conflit armé, est désormais invoqué pour faire face à des violences communautaires. Une triste première qui souligne la gravité de la situation à Lodja et dans le Sankuru.
Mais cette mesure de protection soulève aussi des interrogations légitimes. Comment garantir la continuité pédagogique lorsque des milliers d’élèves sont contraints de rester chez eux? Les écoles catholiques de Lodja, traditionnellement considérées comme des bastions de stabilité éducative, se retrouvent au cœur d’une tempête dont personne ne semble voir la fin.
Certains parents, dont les enfants fréquentent des établissements non directement concernés par les troubles, expriment leur frustration face à cette perturbation généralisée du calendrier scolaire. « Nos enfants paient le prix fort pour des conflits qui ne les concernent pas », déplore un parent rencontré près du Lycée Lokenye. Son témoignage reflète l’impuissance de nombreuses familles face à cette crise.
La présence des forces de l’ordre dans la zone, bien que rassurante, ne suffit pas à apaiser les craintes. Les menaces de représailles persistent, créant un climat de psychose qui dépasse largement le cadre scolaire. Les jeunes de Lodja, meurtris par la perte de leur leader, semblent déterminés à faire entendre leur colère, quitte à sacrifier leur propre éducation.
Cette crise met en lumière les défis complexes auxquels fait face le système éducatif congolais. Au-delà des simples perturbations de cours, c’est toute la question de la sécurité dans les établissements scolaires qui se pose. Comment protéger les élèves tout en préservant leur droit fondamental à l’éducation? Les autorités du Sankuru se trouvent face à un dilemme dont la résolution impactera des milliers de jeunes vies.
La province du Sankuru, déjà confrontée à de multiples défis éducatifs, doit maintenant gérer cette crise inédite qui touche principalement les écoles catholiques de Lodja. Alors que la colère gronde toujours et que les cours restent suspendus, une question essentielle demeure : combien de temps faudra-t-il attendre avant que la paix ne revienne dans les salles de classe?
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net
