Dans un contexte de tensions diplomatiques persistantes entre Kinshasa et Nairobi, l’ancien président Joseph Kabila convoque une frange de l’opposition congolaise au Kenya. Cette réunion de deux jours, qui débute ce mardi 14 octobre, intervient dans un moment particulièrement sensible où la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda selon les autorités congolaises, intensifie ses opérations militaires dans l’Est du pays.
La démarche de l’ancien chef de l’État, présenté par ses proches comme une initiative de « concertation nationale », soulève pourtant d’importantes questions stratégiques. Comment interpréter cette réapparition publique de Joseph Kabila, quelques semaines seulement après sa condamnation à mort par la Haute Cour Militaire de la RDC pour trahison, apologie de terrorisme et participation à un mouvement insurrectionnel ? Le timing de cette rencontre à Nairobi apparaît comme un calcul politique savamment orchestré.
Diplomatiquement, cette initiative risque d’envenimer davantage les relations déjà tendues entre la République Démocratique du Congo et le Kenya. Les autorités congolaises considèrent en effet Joseph Kabila comme l’un des principaux architectes de la rébellion AFC/M23, ce qui confère à cette réunion une dimension particulièrement provocatrice. La tenue de ces assises sur le sol kényan pourrait-elle être interprétée comme un soutien implicite de Nairobi aux manœuvres politiques de l’ancien président congolais ?
Les relations entre les deux pays traversent une phase critique depuis plusieurs années. L’épisode des déclarations de William Ruto en 2022, qualifiant les Congolais de « chanteurs » et affirmant que la RDC comptait « 90 millions d’habitants mais pas une seule vache », avait déjà créé un choc diplomatique dont les conséquences se font encore sentir. L’accession de Ruto à la présidence kényane n’a fait qu’accentuer les méfiances réciproques.
La gestion de la force régionale de l’EAC a constitué un autre point de friction majeur. Les remarques publiques du président Tshisekedi lors du sommet de Bujumbura en février 2023 – « ne faites pas favoriser le M23 » – témoignaient déjà des suspicions congolaises quant à l’impartialité du Kenya dans le processus de paix. La démission « spectaculaire » du général Jeff Nyagah et son remplacement unilatéral par Nairobi ont encore approfondi ce fossé diplomatique.
L’annonce de la création de l’Alliance fleuve Congo (AFC/M23) à Nairobi en décembre 2023, et le refus des autorités kényanes d’arrêter Corneille Nangaa malgré la demande congolaise, ont marqué un point de non-retour dans la détérioration des relations bilatérales. Le rappel des ambassadeurs congolais à Nairobi et auprès de l’EAC a constitué une réponse diplomatique sans précédent.
La récente nomination par le Kenya d’un consul général à Goma – ville que Kinshasa considère comme « sous occupation illégale du M23/AFC » – a achevé de cristalliser les tensions. Le gouvernement congolais a qualifié cette décision de « particulièrement inappropriée », rappelant avec fermeté que toute nomination consulaire étrangère nécessitait son aval préalable.
Dans ce contexte explosif, la réunion organisée par Joseph Kabila à Nairobi représente-t-elle une tentative de médiation ou au contraire une manœuvre destinée à fragiliser davantage le gouvernement de Kinshasa ? L’ancien président joue un jeu dangereux, qui pourrait avoir des conséquences imprévisibles sur la stabilité régionale. Sa capacité à mobiliser une frange de l’opposition depuis l’étranger, malgré sa condamnation judiciaire, interroge sur la réalité des équilibres politiques congolais.
La communauté internationale observe avec attention ces développements, consciente que toute escalade dans les tensions entre la RDC et le Kenya pourrait compromettre les efforts de pacification dans l’Est congolais. Les prochains jours révèleront si cette initiative de Joseph Kabila constitue une véritable opportunité de dialogue ou au contraire le prélude à une nouvelle phase de confrontation.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
