La dépréciation du franc congolais face au dollar américain crée une situation économique paradoxale dans la province du Kongo Central. Alors que le taux de change affiche une amélioration notable, passant de 2 300 à 2 000 francs congolais pour un dollar américain en l’espace d’une semaine, les effets sur le pouvoir d’achat des consommateurs restent mitigés.
Le marché de Matadi, plaque tournante commerciale de la région, présente un tableau contrasté. Les produits manufacturés importés, notamment la farine de froment, affichent une baisse significative de leurs prix. Un sac de farine est ainsi passé de 91 000 à 78 000 francs congolais, soit une diminution de près de 15%. Cette correction tarifaire reflète directement l’évolution favorable du dollar marché congolais et devrait théoriquement soulager les ménages confrontés à une inflation persistante en RDC.
Pourtant, cette embellie monétaire ne se traduit pas dans tous les segments de consommation. Les produits transformés comme le pain et les beignets maintiennent leurs prix inchangés, tandis que leurs volumes de vente restent stables. Comment expliquer cette résistance à la baisse alors que le coût des matières premières diminue ? Les revendeurs invoquent la nécessité de préserver leurs marges dans un contexte économique toujours fragile.
« La dépréciation du dollar est une bonne nouvelle, mais nous devons composer avec nos stocks achetés à l’ancien taux », explique un commerçant spécialisé dans les articles de seconde main européens, communément appelés « Bill of cost » à Matadi. Ces négociants appliquent encore l’ancien taux de change pour leurs transactions, créant ainsi un décalage entre la réalité monétaire et les prix pratiqués.
Cette situation illustre les mécanismes complexes de l’économie Kongo Central, où les ajustements monétaires mettent du temps à se répercuter sur l’ensemble de la chaîne de valeur. L’inflation RDC, bien que temporairement contenue par cette évolution favorable du change, continue de peser sur le quotidien des populations. Les étudiants et les ménages modestes, qui espéraient un soulagement immédiat, déchantent face à la persistance des prix à la consommation.
Le secteur informel, dominant dans cette économie congolaise, semble réagir avec prudence à cette dépréciation du franc congolais. Les commerçants préfèrent stabiliser leurs prix plutôt que de les ajuster à la baisse, craignant une volatilité future des taux de change. Cette attitude conservatrice, bien que compréhensible, limite les bénéfices immédiats que pourraient tirer les consommateurs de l’amélioration du taux dollar marché congolais.
À plus long terme, cette situation pose la question de la transmission des effets de change dans l’économie réelle. La dépréciation franc congolais, si elle se maintient, pourrait-elle véritablement infléchir la courbe des prix produits Matadi ? La réponse dépendra de la capacité des acteurs économiques à ajuster leurs stratégies commerciales et de la stabilité du nouveau taux de change.
Les autorités économiques suivent avec attention cette évolution, conscientes que la crédibilité de la monnaie nationale est un enjeu crucial pour le développement du pays. La gestion de cette période de transition déterminera dans quelle mesure les congolais pourront bénéficier concrètement de cette amélioration monétaire.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net