La République démocratique du Congo exprime son indignation face au récent accord minier conclu entre l’Union européenne et le Rwanda, un partenariat que Kinshasa qualifie de « contradiction flagrante » avec les principes de responsabilité et de traçabilité des minerais. Comment l’UE peut-elle justifier un tel accord avec un pays accusé de profiter de l’instabilité congolaise pour s’approvisionner en minerais critiques ?
Cet accord minier UE-Rwanda, signé en février 2024, concerne spécifiquement les minerais stratégiques essentiels à la transition énergétique européenne. Le tantale, l’étain, le tungstène et l’or figurent parmi les ressources couvertes par ce protocole d’entente. La Commission européenne défend cette initiative comme un moyen de sécuriser ses approvisionnements tout en promouvant des pratiques minières responsables. Pourtant, cette position semble ignorer les réalités complexes de la région des Grands Lacs.
Le gouvernement congolais souligne avec amertume que cet accord intervient dans un contexte où les rapports des Nations Unies documentent systématiquement l’exploitation minière illégale dans l’est de la RDC. Les minerais en provenance des zones contrôlées par le M23, un groupe armé que Kigali est accusé de soutenir, trouveraient précisément des débouchés via le Rwanda. La question de la traçabilité des minerais devient alors centrale : comment garantir l’origine légale des ressources lorsque les circuits d’approvisionnement traversent des zones de conflit ?
La position européenne semble reposer sur la confiance accordée aux mécanismes de certification rwandais. Bruxelles affirme que le Rwanda a mis en place des systèmes de traçabilité robustes pour ses minerais. Cependant, des experts indépendants et des organisations de la société civile congolaise remettent en cause cette perception. Ils pointent du doigt les lacunes persistantes dans le contrôle de la chaîne d’approvisionnement et la difficulté à distinguer les minerais d’origine rwandaise de ceux provenant illégalement de RDC.
La réaction du Parlement européen en février 2025, appelant à la suspension de l’accord, témoigne des divisions au sein même des institutions européennes. Plusieurs députés européens ont exprimé leurs réserves quant à la compatibilité de ce partenariat avec les engagements de l’UE en matière de droits humains et de diligence raisonnable. Cette position rejoint celle de la RDC, qui estime que l’accord minier UE-Rwanda risque d’alimenter indirectement les conflits dans l’est du pays.
La dimension économique de cet accord ne doit pas être sous-estimée. Les minerais critiques représentent un enjeu stratégique majeur pour l’industrie européenne, particulièrement dans le contexte de la transition verte. Le Rwanda, de son côté, cherche à positionner Kigali comme un hub régional pour le traitement et la commercialisation des minerais. Mais cette ambition se heurte aux réalités géopolitiques de la région et aux accusations récurrentes de captation des ressources congolaises.
La RDC appelle à une approche plus équilibrée qui prendrait en compte les préoccupations légitimes de tous les pays de la région. Kinshasa propose notamment le renforcement des mécanismes de certification régionaux et une coopération triangulaire incluant la RDC, le Rwanda et l’UE. Cette approche permettrait, selon les autorités congolaises, de répondre aux besoins européens en minerais tout en garantissant la paix et la stabilité dans la région des Grands Lacs.
Alors que les besoins en minerais critiques ne cessent de croître, la question de leur approvisionnement responsable devient de plus en plus pressante. L’accord minier UE-Rwanda soulève des interrogations fondamentales sur la capacité de la communauté internationale à concilier impératifs économiques et respect des droits souverains. La solution réside-t-elle dans des partenariats bilatéraux ou dans une approche régionale intégrée ? La réponse à cette question déterminera l’avenir de la gouvernance des ressources minières en Afrique centrale.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: https://www.theguardian.com/world/2025/oct/10/drc-calls-eu-minerals-deal-rwanda-obvious-double-standard