Dans le cadre feutré du Global Gateway Forum à Bruxelles, le président Félix Tshisekedi a opéré une manœuvre diplomatique aussi subtile qu’audacieuse en tendant la main à son homologue rwandais Paul Kagame. Ce geste, qualifié de « noblesse des braves » par le chef de l’État congolais, s’apparente à une stratégie d’échecs géopolitique où chaque mouvement recèle des intentions multiples. La diaspora congolaise en Belgique, d’abord perplexe face à cette ouverture inattendue, a finalement saisi la profondeur tactique d’une démarche visant à repositionner la RDC sur l’échiquier international.
Comment interpréter cette main tendue dans le contexte des tensions persistantes entre Kinshasa et Kigali ? Le président Tshisekedi lui-même apporte des éléments de réponse en soulignant le caractère calculé de son initiative. « Croyez-moi : je suis très loin d’être faible. Ce n’est pas du tout une faiblesse », a-t-il affirmé devant une diaspora visiblement soulagée par ces explications. Cette clarification intervient alors que certaines franges de l’opinion congolaise s’interrogeaient sur un éventuel revirement stratégique.
La position congolaise demeure pourtant inflexible sur les fondamentaux. Le chef de l’État a opposé une fin de non-recevoir catégorique à toute négociation directe avec ce qu’il nomme les « émissaires des agresseurs ». Cette ligne rouge tracée avec fermeté s’inscrit dans la continuité d’une doctrine diplomatique refusant tout dialogue qui ne serait pas précédé de la désignation et de la condamnation préalable de l’agresseur. Une position qui place la défense de la souveraineté nationale au-dessus des considérations de realpolitik.
La dimension multilatérale de cette approche mérite d’être soulignée. La résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU fournit en effet le cadre institutionnel dans lequel s’inscrit cette nouvelle dynamique. Ce texte, souvent méconnu du grand public, établit une responsabilité partagée entre la RDC et le Rwanda dans la restauration de la paix, privilégiant les mécanismes de coopération établis aux confrontations stériles. Le geste de Bruxelles pourrait ainsi s’interpréter comme une habile manœuvre visant à tester la bonne foi de Kigali dans le respect de ses engagements internationaux.
Sur le plan diplomatique, l’initiative du président Tshisekedi a permis de remobiliser l’opinion internationale sur la question de l’agression rwandaise dans l’Est de la RDC. Les leaders mondiaux présents au Global Gateway Forum ont salué cette approche combinant fermeté sur les principes et ouverture contrôlée. La main tendue devient ainsi un instrument de soft power permettant de confondre les détracteurs qui accuseraient la RDC d’intransigeance.
La dimension interne de cette stratégie ne doit pas être sous-estimée. En s’adressant directement à la diaspora congolaise de Belgique, le président Tshisekedi renforce les liens avec ce « maillon essentiel du développement national » tout en verrouillant le front diplomatique. L’invitation à ne pas se laisser distraire par les discours négatifs et à rester mobilisée autour des causes nationales participe de cette consolidation du front interne.
Quelles seront les prochaines étapes de cette séquence diplomatique ? Tout dépendra de la réponse de Paul Kagame à cette « offre » attendue par Kinshasa. Le président congolais a clairement indiqué qu’il attendait une contre-proposition de Kigali, transformant ainsi la balle diplomatique en territoire adverse. Cette attente stratégique place le Rwanda dans une position délicate où son silence ou son refus serait interprété comme un aveu de mauvaise foi.
La complexité des relations RDC Rwanda exige en effet une approche nuancée combinant fermeté stratégique et flexibilité tactique. La main tendue de Bruxelles s’apparente ainsi à un piège diplomatique sophistiqué où le refus rwandais isolerait davantage Kigali sur la scène internationale, tandis qu’une acceptation obligerait le Rwanda à modifier substantiellement sa politique régionale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
