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Ngelingeli : Claude Mukeba Kolesha dénonce la tyrannie de l’apparence

Ce jeudi 9 octobre 2025, l’atmosphère de l’Institut national des Arts de Kinshasa vibrait d’une énergie particulière, comme chargée d’une urgence intellectuelle. Sous les hauts plafonds de cette institution phare de la culture congolaise, des dizaines de participants – chercheurs aux regards aiguisés, journalistes en quête de sens et invités de marque – convergeaient vers un même point de convergence : le vernissage de « Ngelingeli. Quand la rhétorique l’emporte sur la dialectique », cet ouvrage incisif du professeur Claude Mukeba Kolesha qui vient troubler les certitudes d’une époque fascinée par les mirages.

Dans la pénombre élégante de la salle, les conversations chuchotées semblaient déjà répondre à la provocation du titre. Comment en sommes-nous arrivés à cette société du paraître où l’emballage compte plus que le contenu ? Le professeur Mukeba, figure intellectuelle respectée, pose avec cet essai les bases d’une critique radicale de notre modernité congolaise et africaine, dénonçant cette pente glissante où la forme écrase progressivement le fond.

Le concept de « Ngelingeli », substantif emprunté au lingala – cette langue nationale qui porte en elle la musicalité du Congo – résonne comme un avertissement poétique. Évoquant la brillance, la luminosité artificielle, il désigne ce qui brille sans éclairer, ce qui scintille sans réchauffer. « C’est pour montrer que, réellement, dans la vie quotidienne, tout ce qui brille n’est pas de l’or », confie l’auteur à l’assistance médusée. Cette métaphore linguistique devient alors le fil rouge d’une analyse implacable des dérives contemporaines.

À travers des exemples tirés de la vie courante congolaise, Claude Mukeba Kolesha déploie une cartographie minutieuse de ce qu’il nomme la « société ngelingelique ». Cette réalité où la déraison a supplanté la raison, où les apparences triomphent des essences, n’est-elle pas devenue notre paysage mental quotidien ? L’ouvrage recense avec une précision clinique les symptômes de cette maladie du sens : l’air du temps érigé en dogme, le servile recours à l’argument d’autorité, les illusions numériques d’Internet, les bruits de communication qui étouffent la pensée.

La dialectique, cet « élan de l’esprit » qui procède par déduction et induction, apparaît alors comme la victime silencieuse de cette révolution rhétorique. Tandis que la première va du général au particulier, la seconde – particulièrement chère au monde scientifique – chemine du particulier au général. Ce mouvement intellectuel fondamental, capable d’extrapoler les propriétés à partir d’échantillons ou d’inférer à partir de la totalité des phénomènes, se trouve aujourd’hui relégué au rang de vestige archaïque.

Mais l’auteur ne rejette pas la rhétorique en elle-même – il s’en défend avec nuance. Ce qu’il combat, c’est la rhétorique creuse, « à l’opposé de l’action », cette rhétorique de la désinformation, de la propagande, des discours pseudo-argumentatifs qui envahissent notre espace public. Ces « modes d’expression affectés, ampoulés » qui, sous couvert d’éloquence, ne servent souvent que la démagogie la plus vulgaire.

Dans la publicité, les discours politiques, sur les réseaux sociaux et ailleurs, l’apparence est effectivement devenue plus importante que l’être. Les Congolais, comme tant d’autres sociétés, s’en réjouissent-ils vraiment ? Ne questionnant plus, se moquant des conséquences pourtant désastreuses, nous semblons collectivement hypnotisés par ce mirage ngelingelique. Cette triste réalité que décrit l’auteur avec une lucidité douloureuse interroge en profondeur notre capacité à reconstruire une pensée authentique.

Le lancement de Ngelingeli à l’Institut national des Arts Kinshasa révèle également la transversalité des domaines de recherche du professeur Mukeba. De la sémantique à la pragmatique en passant par la sémiotique, ses travaux explorent inlassablement les mécanismes de production du sens. Après son ouvrage « Nommer et renommer les lieux : un siècle de bataille idéologique à travers les toponymes à Kinshasa » paru en 2022, ce nouveau brûlot confirme sa position de penseur essentiel de la société congolaise contemporaine.

La société ngelingelique décrite par Claude Mukeba Kolesha n’est-elle pas le reflet de nos propres renoncements ? Face à la complexité du monde, n’avons-nous pas choisi la facilité des apparences ? Cet ouvrage, au-delà de sa critique acerbe, se veut un appel à la résistance intellectuelle, une invitation à réhabiliter la pensée dialectique dans un monde congolais en pleine mutation.

Alors que la soirée de vernissage touchait à sa fin, les discussions passionnées qui animaient les couloirs de l’INA semblaient porter l’écho d’une prise de conscience. Ngelingeli n’est pas qu’un livre – c’est un manifeste pour une reconquête du sens, un plaidoyer pour que la raison retrouve sa place face aux miroitements trompeurs de la rhétorique creuse. Dans le contexte particulier de la RDC, où les défis de développement exigent justement une pensée profonde et dialectique, cet ouvrage arrive à point nommé pour questionner nos certitudes et nos aveuglements.

Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd

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Yvan Ilunga
Yvan Ilunga
Né à Lubumbashi, Yvan Ilunga est un passionné de la richesse culturelle du Congo. Expert en éducation et en musique, il vous plonge au cœur des événements culturels tout en mettant en lumière les initiatives éducatives à travers le pays. Il explore aussi la scène musicale avec une analyse fine des tendances artistiques congolaises, faisant d’Yvan une véritable référence en matière de culture.
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