La province du Kwango, érigée en entité autonome depuis 2015, présente aujourd’hui le visage amer d’une décentralisation inaboutie. Le cadre de concertation de la société civile, réuni samedi à Kenge, dresse un constat accablant qui interpelle autant les autorités provinciales que le gouvernement central. Comment une province dotée de tous les attributs constitutionnels peut-elle demeurer dans une telle dépendance financière et administrative ?
Sur le front de la sécurité Kwango, la situation apparaît particulièrement préoccupante. La persistance des activités de la milice Mobondo et l’absence de structures judiciaires militaires autonomes confinent la province dans une vulnérabilité chronique. La société civile dénonce avec amertume ce qu’elle qualifie de « défaut de volonté politique » face à l’insécurité grandissante. La population, prise en étau entre les violences des groupes armés et l’inaction des institutions, paie le prix fort de cette carence sécuritaire.
Le processus de décentralisation Kwango ressemble davantage à un mirage constitutionnel qu’à une réalité tangible. Le maintien de la gestion des recettes par la province voisine du Kwilu prive le Kwango des ressources nécessaires à son autonomie réelle. Cette situation paradoxale où une province autonome ne dispose pas de la maîtrise de ses finances publiques interroge sur la sincérité du processus de décentralisation. La société civile s’interroge : à quoi sert l’autonomie politique sans l’autonomie financière ?
Le secteur des infrastructures Kwango présente un tableau tout aussi désolant. La route Kenge-Mawanga, symbole des chantiers interminables, cristallise l’échec des programmes de développement. Les multiples relances infructueuses des travaux posent avec acuité la question de l’efficacité des mécanismes de contrôle. Le Bureau technique de contrôle, censé veiller au bon déroulement des chantiers, semble avoir démissionné de sa mission fondamentale. La société civile déplore amèrement que « la province affiche le visage d’enfants des parents pauvres ».
La justice Kwango traverse une crise profonde qui mine la crédibilité même de l’État de droit. Le manque criant de magistrats, l’absence d’infrastructures adaptées et la généralisation de la corruption ont transformé l’appareil judiciaire en une machine à produire de l’injustice. Le système où « celui qui accuse le premier, même sans preuve, a toujours raison » a définitivement rompu le pacte de confiance avec les justiciables. La monétisation de la liberté provisoire à hauteur d’un million de francs congolais institutionnalise une justice à deux vitesses, réservant les geôles aux plus démunis.
Face à ce constat accablant, la société civile Kwango plaide pour une réelle évaluation des projets gouvernementaux et la mise en place de mécanismes de suivi rigoureux. La lutte contre la rétrocommission et les dysfonctionnements judiciaires apparaît comme une condition sine qua non pour sortir la province de l’ornière. Le gouvernement provincial saura-t-il entendre cet appel pressant ? La balle est désormais dans le camp des autorités, sommées de passer des déclarations d’intention aux actes concrets.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd