« Nous avons cru notre dernière heure arrivée », confie Mbutu, un homme pygmée dont la case a été réduite en cendres lors des violences ethniques qui ont secoué Bokoro. « Quand les Bantous sont arrivés avec des machettes, nous n’avons eu d’autre choix que de fuir dans la forêt. La peur nous tenaillait le ventre. »
Cette scène de panique collective, survenue lundi dernier dans la cité de Bokoro, province du Mai-Ndombe, trouve son origine dans un drame passionnel aux conséquences insoupçnées. Un homme pygmée ayant surpris sa femme en flagrant délit d’adultère avec un Bantou a donné lieu à une spirale de violences intercommunautaires. L’usage d’une flèche mortelle contre le rival a déclenché des représailles démesurées : meurtre d’une femme pygmée, multiples blessés et incendies criminels ayant poussé toute la communauté autochtone à se réfugier dans la forêt.
« La situation était extrêmement tendue », reconnaît le Gouverneur Nkoso Kevani, joint par nos services. « La présence des Pygmées dans la forêt créait un risque permanent de nouveaux affrontements avec les Bantous agriculteurs. Nous avons donc lancé un appel au retour, et aujourd’hui, je peux confirmer que les 348 personnes qui s’y étaient réfugiées sont toutes rentrées. »
Les tensions ethniques à Bokoro révèlent des fractures sociales profondes dans cette région du Mai-Ndombe. Comment une simple dispute conjugale a-t-elle pu dégénérer en conflit communautaire ? Les autorités provinciales semblent avoir pris la mesure des enjeux en déployant une mission de stabilisation et en engageant des poursuites judiciaires contre tous les responsables présumés des violences.
« Des suspects ont été arrêtés et sont détenus au bureau de la police de Bokoro », précise le Gouverneur. « Une commission spéciale comprenant magistrats, responsables administratifs et société civile travaille à leur transfèrement vers Inongo pour qu’ils répondent de leurs actes devant la justice. »
La reconstruction matérielle et sociale est désormais en marche. Des fonds ont été débloqués pour assister les Pygmées dans la reconstruction de leurs habitations détruites et leur fournir des moyens de subsistance essentiels. « Actuellement, on reconstruit leurs cases », affirme le Gouverneur Nkoso Kevani. « Nous avons laissé de l’argent pour essayer d’encadrer tous les Pygmées en reconstruisant leurs cases et les aidant avec les habits, la nourriture. »
Les poursuites judiciaires engagées à Bokoro envoient un signal fort quant à la détermination des autorités à ne pas laisser l’impunité s’installer. Mais au-delà des aspects répressifs, c’est toute la question de la coexistence pacifique entre communautés qui se pose. Le retour à la normale constaté aujourd’hui est-il durable ou simplement une trêve précaire ?
« Certains d’entre nous ont repris leurs activités journalières », témoigne Mbutu, « mais la méfiance reste grande. Nous espérons que les autorités continueront à nous protéger et que la justice fera son travail. »
La mission de stabilisation dans le Mai-Ndombe aura donc permis d’éviter le pire, mais le chemin vers une réconciliation véritable reste long. Les blessures psychologiques et les préjugés ancestraux ne s’effacent pas par décret. Le défi consiste maintenant à transformer cette paix retrouvée en coexistence apaisée, où Pygmées et Bantous pourront partager le même territoire sans craindre de nouvelles flambées de violence.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd