Dans un réquisitoire aussi cinglant qu’inattendu, trois organisations de la société civile congolaise viennent de jeter un pavé dans la mare tranquille des institutions de la République. CASMIA-G, JUSTICIA ASBL et APDHJ dénoncent avec une virulence mesurée ce qu’elles qualifient de «détournement institutionnalisé» au sein du FONAREV, ce fonds pourtant destiné à soulager les souffrances des victimes les plus vulnérables.
Le cœur du scandale résiderait dans un arrêté ministériel daté du 5 mars 2025, signé par l’ancienne ministre des Droits humains, qui établit un barème provisoire des droits et avantages sociaux des mandataires du Fonds national de réparation des victimes de violences sexuelles. Comment expliquer que des rémunérations jugées «excessives» puissent être accordées à ceux qui sont censés incarner la justice réparatrice ? La question mérite d’être posée alors que des milliers de victimes attendent toujours une reconnaissance tangible de leurs souffrances.
Les organisations signataires ne mâchent pas leurs mots, estimant que cette situation «ne reflète en aucun cas la vision du chef de l’État et la politique du gouvernement». Yannick Ndua Solol de CASMIA-G livre une critique acerbe : «L’arrêté pris par Madame la ministre des Droits Humains sortante ne reflète pas le bien fondé du FONAREV parce que les victimes ne bénéficient pas. Cependant, des gens assis dans des bureaux climatisés et voyagent comme ils veulent se partagent l’argent au détriment des victimes des violences.»
Cette dénonciation des rémunérations excessives des mandataires intervient dans un contexte où le gouvernement affiche pourtant sa volonté de réduire le train de vie des institutions. N’assiste-t-on pas là à un décalage troublant entre les discours officiels et les pratiques réelles ? La société civile pointe du doigt cette contradiction flagrante, soulignant que les fonds exorbitants touchés par les mandataires et cadres du FONAREV devraient prioritairement bénéficier aux victimes des violences sexuelles liées aux conflits.
La stratégie des organisations de la société civile apparaît particulièrement judicieuse : plutôt que de s’épancher dans des déclarations stériles, elles adressent une demande formelle au ministre actuel des Droits humains pour qu’il rapporte l’arrêté controversé. Cette approche institutionnelle démontre une maturité politique certaine, préférant la voie du dialogue constructif à la simple dénonciation médiatique.
Le silence des responsables du FONAREV, que Radio Okapi n’a pas pu joindre, interroge tout autant qu’il inquiète. Dans un pays où la transparence demeure un enjeu démocratique majeur, cette absence de réaction officielle ne peut qu’alimenter les suspicions. Les victimes de violences sexuelles méritent-elles moins d’attention que les mandataires chargés de leur venir en aide ? La question, cruelle dans sa formulation, reflète pourtant l’amertume légitime des organisations de défense des droits humains.
Au-delà du cas spécifique du FONAREV, cette affaire pose une question plus fondamentale sur la gestion des fonds publics en RDC. Comment garantir que l’argent destiné aux plus vulnérables n’est pas détourné au profit d’intérêts particuliers ? La dénonciation des rémunérations excessives des mandataires par la société civile constitue un signal d’alarme que les autorités ne peuvent ignorer.
L’enjeu dépasse largement le simple cadre administratif : il touche à la crédibilité même de l’État congolais dans sa capacité à protéger les victimes et à rendre justice. Les prochains jours seront déterminants pour mesurer la réactivité du nouveau ministre des Droits humains face à cette interpellation citoyenne. Sa décision constituera un test significatif de la volonté gouvernementale d’aligner les pratiques sur les principes affichés.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net