L’hémicycle provincial de Kinshasa devient le théâtre d’une confrontation politique aux implications majeures pour la gouvernance de la capitale congolaise. Le député provincial Aubin Mukanu, élu de Mont-Ngafula, a lancé une offensive parlementaire d’envergure contre le gouverneur Daniel Bumba, à travers une question orale avec débat déposée le 30 septembre dernier. Cette initiative, loin d’être une simple formalité parlementaire, représente un véritable réquisitoire contre la politique générale du gouvernement provincial et pourrait bien précipiter une crise institutionnelle sans précédent.
La question orale du député Mukanu soulève des interrogations brûlantes sur la gestion financière de la ville-province. Comment expliquer l’effondrement des recettes mensuelles de Kinshasa, passées de 5 à 2 millions USD selon les affirmations du parlementaire ? Cette chute vertigineuse des revenus intervient dans un contexte où les besoins de la population ne cessent de croître, suscitant des interrogations légitimes sur l’efficacité du système de perception fiscale. La transparence dans la collecte des taxes d’embarquement et de stationnement à l’aéroport de N’djili constitue un autre point d’achoppement majeur, dans un secteur pourtant crucial pour les finances de la capitale.
Au-delà des simples considérations budgétaires, le député Mukanu élargit le débat à des questions structurelles fondamentales. La gestion des biens immobiliers urbains, véritable patrimoine de la collectivité, mériterait-elle plus de clarté ? La relance du Marché central, projet phare annoncé à plusieurs reprises, traîne-t-elle dans les limbes de l’improvisation ? L’absence de plan directeur pour le développement urbain et la gestion des déchets ne compromet-elle pas l’avenir de cette métropole de près de 15 millions d’habitants ? Et que reste-t-il du programme « Kinshasa Ezo Bonga », cette promesse de transformation urbaine qui avait pourtant suscité tant d’espoirs ?
La réponse du gouverneur Daniel Bumba, formulée dans une lettre adressée à l’assemblée provinciale le 8 octobre, démontre une stratégie de contournement habile. En invoquant le règlement intérieur de l’assemblée, le chef de l’exécutif provincial estime que les préoccupations soulevées relèvent des attributions sectorielles des ministres provinciaux. « Pour des raisons de cohérence institutionnelle et d’efficacité, il est opportun que ces questions soient directement adressées aux ministres provinciaux compétents », argue-t-il. Cette position, techniquement défendable, ne risque-t-elle pas d’être perçue comme une tentative d’esquiver ses responsabilités politiques globales ?
L’enjeu dépasse largement le cadre d’un simple échange parlementaire. Le député Mukanu a clairement brandi la menace de l’article 190 du règlement intérieur, qui prévoit la transformation de la question orale en motion de destitution si le gouverneur ne se présente pas le 16 octobre prochain. Cette échéance crée une pression considérable sur Daniel Bumba, contraint de choisir entre l’affrontement direct ou le risque d’une crise institutionnelle majeure. La question orale avec débat concernant Aubin Mukanu et Daniel Bumba pourrait ainsi marquer un tournant dans les relations entre l’exécutif et le législatif provincial.
Au final, cette confrontation autour des recettes de Kinshasa et de la gestion des taxes à l’aéroport de N’djili dépasse le simple cadre d’un différend politique. Elle interroge fondamentalement la capacité de l’institution provinciale à assurer une gouvernance transparente et efficace. La manière dont le gouverneur Daniel Bumba répondra à cette interpellation parlementaire dessinera certainement les contours des futurs équilibres politiques dans la capitale congolaise. Les prochains jours s’annoncent décisifs pour l’avenir de la gouvernance kinoise, entre dialogue constructif et escalade institutionnelle.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net