Dans un contexte politique marqué par des défis multiples, le président Félix Tshisekedi a choisi de placer la jeunesse congolaise au cœur de son dispositif stratégique. La cérémonie d’investiture du nouveau comité du Conseil national de la jeunesse, samedi à Kinshasa, a servi de tribune pour dévoiler une vision politique où la génération montante devient l’acteur principal de la transformation nationale.
Le chef de l’État a-t-il trouvé dans la jeunesse l’allié idéal pour consolider son projet de société ? La question mérite d’être posée tant le discours présidentiel a transcendé les simples formules protocolaires pour esquisser une véritable feuille de route. En érigeant la jeunesse congolaise en « force motrice du développement » et en « premier capital de la Nation », Félix Tshisekedi opère un repositionnement tactique qui pourrait reconfigurer l’échiquier politique.
Le thème « Capter et mobiliser le potentiel jeune sur la trajectoire du progrès de la RDC » révèle une ambition méthodique : canaliser l’énergie juvénile vers des objectifs de développement clairement identifiés. Cette approche instrumentalise-t-elle la créativité jeune au service d’un agenda politique ? L’exhortation présidentielle à bâtir « un Congo qui innove sans renier ses valeurs » suggère une recherche d’équilibre délicate entre modernisation et préservation identitaire.
La dimension géopolitique n’a pas été occultée, avec un message spécifique aux territoires occupés de l’Est de la RDC. Le président a déployé une rhétorique de solidarité envers les jeunes de Goma, Bukavu, Masisi et Kalehe, promettant un « programme spécifique de reconstruction ». Cette déclaration intervient dans un contexte sécuritaire volatile où la jeunesse des zones conflictuelles représente à la fois une victime et un potentiel acteur de résilience.
L’engagement personnel du chef de l’État à « œuvrer sans relâche pour abréger vos souffrances » constitue un pari politique risqué. En personalisant son implication dans le dossier des territoires occupés, Félix Tshisekedi transforme la cause jeune en enjeu de crédibilité présidentielle. La réussite ou l’échec de cette initiative pourrait durablement influencer son capital politique auprès de cette frange déterminante de l’électorat.
La composition de l’assistance – gouvernement, institutions publiques, partenaires techniques et associations jeunesse – témoigne de l’importance stratégique accordée à cet événement. Le Conseil national de la jeunesse se voit ainsi propulsé au rang d’interlocuteur privilégié, mais cette reconnaissance s’accompagne d’attentes élevées. Sa capacité à traduire les déclarations d’intention en actions concrètes sera scrutée à la loupe.
Le discours présidentiel esquisse les contours d’un nouveau contrat social entre l’État et sa jeunesse, mais sa mise en œuvre pratique constituera le véritable test. Les promesses de soutien aux territoires occupés de l’Est RDC devront rapidement se matérialiser en programmes opérationnels pour éviter la désillusion. La jeunesse congolaise, souvent perçue comme une variable d’ajustement, acceptera-t-elle ce nouveau rôle qui lui est assigné ?
L’investiture du CNJ pourrait marquer un tournant dans la gouvernance jeunesse, à condition que les mécanismes de suivi permettent une traduction concrète des engagements. La crédibilité de cette démarche reposera sur sa capacité à impliquer véritablement les jeunes dans les processus décisionnels, au-delà des simples déclarations d’intention.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net