Le lac Kivu garde en son sein les cicatrices d’une tragédie qui continue de hanter les mémoires. « Je ne peux toujours pas regarder le lac sans repenser à mon frère », confie Jean-Baptiste, pêcheur à Kituku, les yeux rivés sur les eaux bleutées. « Ce jour-là, il devait juste traverser pour vendre ses marchandises. On n’a jamais retrouvé son corps. »
Un an après le naufrage du MV Merdi qui a coûté la vie à de nombreuses personnes au large de Goma, l’épave repose toujours au fond du lac, silencieux témoin de l’inaction des autorités. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi les leçons de cette catastrophe n’ont-elles pas été tirées ?
La situation décrite par Alex Kalwira, coordonnateur de l’Unité nationale de surveillance et de sauvetage, est alarmante. « Ce n’était pas un simple accident. C’était le reflet du laxisme en matière de sécurité aquatique. Surcharge, absence de gilets de sauvetage, embarcations non inspectées, manque de sauveteurs formés… rien n’a changé. » Ces mots résonnent comme un constat d’échec pour la sécurité maritime en RDC.
Le drame du MV Merdi à Goma n’est malheureusement pas un cas isolé. Combien de vies faudra-t-il encore sacrifier avant que des mesures concrètes ne soient prises ? Les eaux du lac Kivu continuent de représenter un danger mortel pour les milliers de personnes qui l’empruntent quotidiennement pour leurs activités commerciales ou leurs déplacements personnels.
Face à cette urgence, l’initiative « Nager et sauver » apparaît comme une lueur d’espoir dans l’obscurité. Ce projet ambitieux vise à transformer radicalement la culture de sécurité autour du lac Kivu. En formant les jeunes aux techniques de natation et de sauvetage, en sensibilisant les communautés riveraines, cette approche proactive pourrait sauver des vies là où la réglementation fait défaut.
Mais une question cruciale se pose : les efforts de la société civile peuvent-ils suffire à combler le vide laissé par l’absence de politique gouvernementale en matière de sécurité maritime ? La navigation lacustre au Congo nécessite une réforme en profondeur, incluant un système de contrôle rigoureux des embarcations, la formation obligatoire des équipages et l’équipement en matériel de sauvetage.
La mémoire des victimes du naufrage du lac Kivu doit servir de catalyseur pour un changement durable. Comme le souligne Alex Kalwira : « À travers la mémoire des victimes du MV Merdi et d’autres naufrages, nous appelons les décideurs, les partenaires et les citoyens à agir. Aucune embarcation ne doit devenir un cercueil flottant. »
L’accident du bateau sur le Kivu révèle des failles systémiques dans la gestion de la sécurité maritime en RDC. Les conditions de navigation précaires, le manque d’infrastructures adéquates et l’absence de culture de prévention créent un terrain propice aux tragédies. Pendant combien de temps encore devrons-nous déplorer de tels drames ?
La situation actuelle interpelle non seulement les autorités congolaises mais aussi l’ensemble des acteurs du secteur des transports lacustres. L’amélioration de la sécurité maritime dans la région des Grands Lacs nécessite une approche coordonnée et un engagement ferme de toutes les parties prenantes.
Alors que le projet « Nager et sauver » représente un pas dans la bonne direction, son impact restera limité sans un cadre réglementaire fort et une volonté politique affirmée. La prévention des accidents bateau sur le Kivu et autres plans d’eau congolais doit devenir une priorité nationale.
Un an après le drame, le temps est venu de transformer la douleur des familles endeuillées en action concrète. L’héritage du MV Merdi ne doit pas être seulement celui du chagrin, mais aussi celui d’une prise de conscience collective qui aura finalement permis de sauver des vies et d’honorer la mémoire des disparus.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net