La situation économique à Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, révèle un paradoxe inquiétant pour les consommateurs. Alors que le dollar américain connaît une dépréciation significative sur le marché des changes, passant de 2 900 à 2 600 francs congolais, les prix des biens et services, eux, restent obstinément élevés. Cette dissonance économique crée une tension palpable dans cette ville de l’est de la République Démocratique du Congo.
Comment expliquer cette résistance des prix à la baisse malgré l’appréciation du franc congolais ? Les habitants pointent du doigt ce qu’ils qualifient de « comportement spéculatif » des commerçants. Dans les écoles, les frais scolaires continuent d’être calculés sur la base de 2 900, voire 3 000 francs congolais pour un dollar, selon plusieurs témoignages recueillis auprès de la population.
Les fonctionnaires et agents de l’État, dont les salaires avaient été sévèrement érodés par la précédente dépréciation monétaire, expriment leur frustration. « Les commerçants n’arrivent pas à baisser leur taux. Eux, sont toujours dans le taux de 2 900 ou 3 000 FC pour un dollar. Même dans les établissements scolaires, c’est comme ça », déplore l’un d’eux, appelant les autorités à envoyer des inspecteurs sur le terrain pour vérifier le respect du nouveau taux d’échange.
Du côté des opérateurs économiques, la prudence semble être de mise. Certains commerçants justifient leur réticence à ajuster les prix par la crainte de subir des pertes en cas de nouvelle fluctuation monétaire. Cette appréciation du franc congolais serait perçue comme potentiellement éphémère, incitant les acteurs économiques à maintenir une marge de sécurité dans leurs prix.
La mesure gouvernementale visant à valoriser la monnaie nationale, saluée par la majorité des habitants, rencontre ainsi des résistances dans son application concrète. Les enseignants, particulièrement affectés par les précédentes dépréciations monétaire, voient dans cette situation un obstacle à l’amélioration réelle de leur pouvoir d’achat.
Florencier Lolu, président du Syndicat des enseignants des écoles catholiques en Ituri, souligne : « C’est déjà un effort considérable. Nous souhaitons que le franc congolais puisse recouvrer sa valeur normale. Mais ce qui reste important, c’est que la monnaie que nous recevons ait un réel pouvoir d’achat sur les marchés. » Cette déclaration résume l’attente fondamentale des consommateurs : une traduction effective de la stabilité monétaire en amélioration concrète des conditions de vie.
Le phénomène observé à Bunia soulève des questions plus larges sur la transmission des variations de taux change RDC vers les prix à la consommation. Plusieurs facteurs pourraient expliquer ce délai dans l’ajustement : les stocks achetés à des taux précédents, les anticipations inflationnistes, ou simplement la recherche de profits supplémentaires par certains commerçants.
L’économie de Bunia, comme celle de nombreuses villes congolaises, reste fortement dollarisée dans les transactions commerciales importantes, ce qui complexifie la transition vers une utilisation généralisée du franc congolais. La persistance des prix élevés menace d’annuler les bénéfices escomptés de la politique monétaire gouvernementale.
Quelles solutions envisager pour briser ce cercle vicieux ? Les autorités provinciales pourraient mettre en place un système de surveillance des prix, accompagné de sanctions dissuasives pour les pratiques commerciales abusives. Parallèlement, une campagne de sensibilisation sur les nouveaux taux de change et leur impact sur l’économie locale s’avère nécessaire.
La situation actuelle à Bunia représente un test crucial pour la capacité des politiques monétaires à produire des effets concrets sur le quotidien des Congolais. Le succès de cette opération de valorisation du franc congolais dépendra largement de l’adhésion de tous les acteurs économiques et de la fermeté des autorités dans son application.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
