Dans un contexte économique congolais marqué par des fluctuations monétaires inquiétantes, la coalition Lamuka jette un pavé dans la mare en dénonçant ce qu’elle qualifie de « manipulation populiste » autour de l’appréciation récente du franc congolais. Alors que les autorités célèbrent la performance de la monnaie nationale face au dollar américain, l’opposition politique conteste farouchement l’impact réel de cette évolution sur le quotidien des Congolais.
« Cette prétendue victoire monétaire ne résiste pas à l’épreuve des faits », assène le porte-parole de Lamuka, Prince Epenge, dans une déclaration cinglante. « Comment peut-on parler de succès économique quand le panier de la ménagère continue de s’alourdir, quand les prix des produits de première nécessité restent inaccessibles pour la majorité de la population ? » Cette question rhétorique résume le paradoxe qui agite aujourd’hui la scène politique congolaise.
L’analyse des données économiques semble donner raison aux critiques de l’opposition. Malgré une amélioration notable du taux de change FC/dollar, les marchés de Kinshasa, de Lubumbashi et de Goma continuent d’afficher des prix en hausse pour les denrées alimentaires de base. Le riz, la farine, l’huile végétale et autres produits essentiels voient leur coût maintenu à des niveaux prohibitifs, quand ils n’augmentent pas purement et simplement.
Les mécanismes de cette distorsion trouvent leur explication dans les réalités complexes de l’économie congolaise. Les importations, qui représentent une part significative des biens consommés localement, continuent d’être facturées en dollars. Les commerçants, anticipant les fluctuations futures du taux de change, maintiennent des marges importantes pour se prémunir contre d’éventuelles dépréciations du franc congolais. Cette prudence commerciale, bien compréhensible dans un environnement économique instable, annule en pratique les effets bénéfiques de l’appréciation monétaire.
La Banque centrale du Congo défend pourtant sa politique monétaire, mettant en avant des « ajustements techniques nécessaires » et des « mesures de stabilisation ambitieuses ». Le gouvernement, par la voix de la Première ministre Judith Suminwa, évoque une « stratégie globale de redressement économique » dont les fruits seraient progressivement perceptibles. Mais ces assurances officielles peinent à convaincre une population confrontée à l’urgence du quotidien.
La situation devient particulièrement critique dans les régions de l’Est, où la dégradation de la qualité des billets de banque en circulation complique encore les transactions. À Goma, comme à Bukavu, les commerçants refusent fréquemment les billets de 500 et 1 000 francs congolais jugés trop abîmés, créant des tensions quotidiennes sur les marchés locaux. Cette crise de confiance dans la monnaie physique ajoute une difficulté supplémentaire au défi déjà immense du pouvoir d’achat.
Lamuka propose une alternative : plutôt que de se focaliser sur des indicateurs macroéconomiques déconnectés des réalités vécues, les autorités devraient selon la coalition mettre en œuvre des « mesures structurelles profondes » pour relancer l’économie productive. Le développement de l’agriculture locale, la stimulation des petites et moyennes entreprises, et la lutte contre la corruption dans la chaîne de distribution constitueraient des priorités autrement plus urgentes que la manipulation artificielle des taux de change.
Le débat dépasse largement la simple polémique politique. Il touche à la crédibilité des institutions économiques congolaises et à la confiance que les citoyens peuvent accorder à leur monnaie nationale. Dans un pays où l’économie informelle représente une part significative des échanges, la stabilité monétaire ne se décrète pas par décret, mais se construit patiemment à travers des politiques économiques cohérentes et durables.
Alors que le gouvernement semble jouer gros sur cette question monétaire, l’opposition observe avec vigilance les prochaines évolutions. La crédibilité du pouvoir en place pourrait bien se jouer sur sa capacité à transformer une appréciation technique du franc congolais en amélioration concrète du pouvoir d’achat des ménages. Le temps presse, et la patience des Congolais n’est pas infinie.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: https://www.radiookapi.net/2025/09/30/actualite/societe/lamuka-denonce-lappreciation-populiste-du-franc-congolais-sans-impact?utm_source=chatgpt.com