La République démocratique du Congo, géant incontesté du cobalt avec près de 70% de la production mondiale, opère un virage stratégique majeur en instaurant un système de quotas d’exportation qui pourrait bien redéfinir les équilibres du marché international. Après sept mois de moratoire total, Kinshasa dévoile une approche calculée : 18 000 tonnes autorisées d’ici fin 2025, suivies de plafonds annuels de 96 600 tonnes pour les deux années suivantes. Cette décision, comparable à celle de l’OPEP dans le pétrole, positionne la RDC comme un régulateur actif des prix mondiaux du cobalt.
Le moratoire imposé depuis février 2025 avait créé des tensions significatives dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, particulièrement critiques pour l’industrie des véhicules électriques qui dépend à près de 40% du cobalt congolais. Les stocks mondiaux s’étaient amincis dangereusement, faisant craindre une pénurie structurelle. La levée de cette suspension totale au profit d’un système de quotas mensuels équivalant à environ 7 250 tonnes représente donc un soulagement pour les acteurs industriels, tout en maintenant une pression à la hausse sur les cours.
L’Agence de Régulation et de Contrôle des Marchés Stratégiques (ARECOMS) se voit confier un rôle central dans la gestion de ce nouveau dispositif. L’institution disposera d’une réserve stratégique de 9 600 tonnes qu’elle pourra allouer selon des critères qu’elle définira, créant ainsi un levier supplémentaire pour influencer le marché. Cette approche permet à la RDC d’éviter les écueils d’un embargo total tout en conservant sa capacité à peser sur l’équation économique du cobalt.
Au-delà de la simple stabilisation des prix cobalt, cette politique s’inscrit dans une stratégie plus large de transformation locale. Le gouvernement congolais entend utiliser ces quotas comme instrument incitatif pour pousser les entreprises minières à développer des capacités de raffinage sur le territoire national. La valeur ajoutée générée par la transformation locale pourrait représenter jusqu’à 300% par rapport à l’exportation de minerai brut, selon les estimations du ministère des Mines.
Quelles seront les conséquences réelles de ces quotas cobalt sur l’économie congolaise ? Les recettes d’exportation pourraient connaître une augmentation significative si la hausse des prix compense la réduction des volumes. Les analystes anticipent une possible appréciation de 15 à 25% du prix spot du cobalt dans les prochains mois, ce qui représenterait plusieurs centaines de millions de dollars supplémentaires pour le trésor public congolais.
La question de la transformation locale du cobalt reste cependant le véritable enjeu structurel. Actuellement, moins de 20% du cobalt produit en RDC y est transformé, une situation que les nouvelles mesures cherchent à inverser. Les quotas d’exportation pourraient servir de monnaie d’échange pour obtenir des engagements d’investissement dans des unités de raffinage, créant ainsi une filière intégrée depuis l’extraction jusqu’aux produits semi-finis.
À l’international, cette décision congolaise suscite des réactions contrastées. Les constructeurs automobiles et fabricants de batteries accueillent avec soulagement la fin du moratoire, mais s’inquiètent de la volatilité induite par le système de quotas. Certains pourraient accélérer leurs recherches vers des technologies moins dépendantes du cobalt, tandis que d’autres devront revoir leurs stratégies d’approvisionnement à long terme.
La RDC démontre ainsi sa volonté de cesser d’être un simple fournisseur de matières premières pour devenir un acteur stratégique dans la chaîne de valeur des batteries électriques. Cette évolution vers un contrôle plus affirmé des ressources nationales pourrait faire école dans d’autres pays producteurs de minerais critiques, redessinant la géopolitique des métaux essentiels à la transition énergétique.
Article Ecrit par Amissi G
Source: https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/09/25/premier-producteur-mondial-de-cobalt-la-rdc-instaure-des-quotas-sur-son-exportation_6642952_3212.html?utm_source=chatgpt.com