La Haute Cour militaire de la République Démocratique du Congo s’apprête à rendre ce mardi 30 septembre un verdict historique dans le procès de l’ancien chef de l’État Joseph Kabila, absent du territoire national depuis plus de deux années. Cette décision judiciaire, attendue avec une intense anticipation par la classe politique et la population congolaise, marquera un tournant sans précédent dans l’histoire judiciaire du pays depuis son accession à l’indépendance en 1960.
L’ouverture des débats en juillet 2025 s’est déroulée dans un contexte particulier, l’accusé ayant choisi de résider à l’étranger pendant toute la durée de la procédure. Le ministère public, représenté par l’auditeur général Lucien-René Likulia, a constitué un dossier d’accusation particulièrement lourd comportant neuf chefs d’inculpation distincts. Comment la justice militaire va-t-elle trancher cette affaire aux implications politiques majeures ?
Parmi les charges retenues figurent en première ligne la participation à un mouvement insurrectionnel, les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, ainsi que l’homicide intentionnel par balles. L’acte d’accusation inclut également la trahison, l’apologie de crimes de guerre, le viol, la torture et l’occupation par la force de la ville de Goma. Ces différents chefs d’accusation s’inscrivent dans le cadre des crimes contre l’humanité au Congo qui ont marqué la période concernée.
La dimension internationale du dossier apparaît particulièrement dans les éléments relatifs à la complicité alléguée avec le groupe rebelle M23 soutenu par le Rwanda. Les investigations judiciaires ont établi que cette collaboration supposée aurait entraîné des conséquences humanitaires dramatiques dans l’Est du pays, avec des milliers de morts civiles, des viols systématiques et des déplacements forcés de populations. Le verdict de la cour militaire en RDC devra donc se prononcer sur ces graves accusations.
L’auditeur général a requis la peine capitale pour les crimes les plus graves, notamment les crimes de guerre et la trahison, accompagnée de peines d’emprisonnement pouvant atteindre trente-cinq années de réclusion pour les chefs de complot et d’apologie. Cette sévérité des réquisitions s’explique par la nature exceptionnelle des faits reprochés à l’ancien président.
Les parties civiles, représentées par les provinces directement affectées par les conflits, ont substantiellement revu à la hausse leurs demandes de réparations. Les montants réclamés sont passés de vingt-cinq à plus de trente milliards de dollars américains, destinés à compenser les pertes humaines et les destructions matérielles documentées durant la procédure. Cette affaire M23 en RDC continue de générer d’importantes attentes en matière de justice réparatrice.
Les audiences ont été marquées par des débats particulièrement animés, avec la réouverture des instructions en septembre suite à des requêtes déposées par les plaignants. Ces derniers souhaitaient notamment voir requalifier certains faits en « espionnage » et obtenir la convocation de nouveaux témoins concernant les financements présumés de l’AFC/M23 via des comptes bancaires liés à Joseph Kabila.
La question controversée de la nationalité congolaise de l’ancien chef de l’État a refait surface durant les débats, ravivant des allégations anciennes concernant ses origines et ses liens supposés avec des figures politiques comme Corneille Nangaa, leader de l’AFC/M23. Ces éléments ont complexifié davantage un dossier déjà extrêmement sensible.
Malgré l’absence notable de plusieurs témoins annoncés, qui ont invoqué des « raisons sécuritaires » pour justifier leur défaut de comparution, la Cour s’est déclarée « suffisamment éclairée » le 19 septembre dernier. Cette position de la magistrature militaire a permis la mise en délibéré de l’affaire en attendant cette audience ultime où sera prononcé le verdict final.
La justice militaire au Congo se trouve ainsi à un moment décisif de son histoire, confrontée à un dossier qui dépasse le cadre strictement judiciaire pour toucher à l’équilibre politique national. La décision qui sera rendue ce mardi constituera sans aucun doute un précédent juridique majeur et pourrait influencer durablement les rapports entre justice et pouvoir politique en République Démocratique du Congo. Le procès de Joseph Kabila arrive donc à son terme après des mois de procédure intensive.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd