Dans l’effervescence culturelle de Limoges, où les Zébrures d’automne tissent leur toile artistique, une voix congolaise s’est distinguée avec une résonance particulière. Le jury du Prix RFI Théâtre 2025 a choisi de mettre en lumière le talent naissant de Salva Safi Amisi, cette jeune autrice de 23 ans dont le texte Mowuta porte en lui les murmures et les espérances de toute une génération.
Née à Lubumbashi en septembre 2002, Salva Safi Amisi incarne cette nouvelle vague d’écrivaines africaines qui osent prendre la parole et transformer leur réalité en matière littéraire. Lauréate de la 2e édition du programme des chaînes d’Excellence René Cassin à Strasbourg, elle façonne déjà son propre langage, à mi-chemin entre l’écriture et la tradition orale du conte.
Mowuta nous plonge dans le voyage initiatique d’une jeune provinciale, miroir d’une jeunesse congolaise en quête d’horizons nouveaux. Le récit, écrit à la première personne, devient alors une cartographie intime des désillusions et des résiliences. Comment ne pas se sentir touché par cette héroïne qui part à Kinshasa, portée par les espoirs de sa famille restée au village, pour voir ses rêves s’évaporer dans la froide réalité administrative ?
L’œuvre de Salva Safi Amisi transcende la simple narration pour devenir une polyphonie urbaine. Le français se mêle au lingala, les bruissements de la rue dialoguent avec les chansons populaires, créant ainsi une texture sonore et linguistique unique. Cette approche audacieuse ne rappelle-t-elle pas la complexité identitaire de la jeunesse africaine contemporaine, tiraillée entre traditions et modernité ?
La mention spéciale d’encouragement attribuée à Mowuta s’inscrit dans un paysage éditorial particulièrement riche cette année, avec 143 pièces venues de 22 pays examinées par le jury. Parmi les douze textes finalistes, cinq étaient écrits par des autrices, confirmant une tendance saluée par le jury lui-même : « Nous constatons que les femmes contribuent de plus en plus activement à construire le discours politique de la dramaturgie francophone, et plus particulièrement africaine ».
Cette reconnaissance intervient dans un contexte particulièrement fécond pour la création congolaise, puisque le Prix RFI Théâtre 2025 a été attribué à un autre artiste de RDC, Israël Nzila, pour sa pièce Clipping. Une première historique qui consacre l’émergence d’une scène théâtrale congolaise résolument tournée vers l’innovation et l’audace narrative.
Que représente donc cette double consécration pour la culture congolaise ? N’est-ce pas le signe d’un renouveau créatif qui puise sa force dans la diversité des perspectives et la richesse des imaginaires ? Salva Safi Amisi, par sa jeunesse et son talent, incarne cette nouvelle génération d’artistes qui transforme les réalités sociales en matière artistique, faisant du théâtre un espace de réflexion et de transformation.
À travers Mowuta, c’est toute la complexité des parcours migratoires qui se trouve interrogée, mais aussi la résilience face aux désillusions. La jeune autrice congolaise nous offre une œuvre qui résonne bien au-delà des frontières de la RDC, interrogeant notre rapport aux promesses non tenues et à la reconstruction des identités brisées.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd