Dans la chaleur humide de Sake, au cœur du territoire de Masisi, une révolution silencieuse est en marche. Vendredi 26 septembre, Bruno Lemarquis, coordonnateur humanitaire en RDC, a lancé un appel qui pourrait bien changer le visage de l’aide humanitaire dans cette région meurtrie du Nord-Kivu. Face aux communautés rassemblées, il a prononcé des mots qui résonnent comme un nouveau départ : « Il faut changer de logique : de l’assistance humanitaire dans des sites au processus de relèvement des retournés dans leurs milieux ».
Mais que signifie véritablement ce changement de paradigme pour ces milliers de familles qui ont tout perdu ? Comment passer d’une logique d’urgence à celle de la reconstruction durable ? La réponse se trouve peut-être dans la coopérative agro-pastorale « Tuungana », que le haut fonctionnaire de l’ONU a visité ce jour-là. Ici, des centaines de femmes et jeunes filles, autrefois déplacées, retrouvent non seulement un toit mais surtout leur dignité.
« C’est vraiment encourageant de voir qu’on est sorti d’une logique vraiment d’assistance humanitaire dans les sites », a confié Bruno Lemarquis, visiblement ému par le travail accompli. Le projet d’autonomisation économique et de cohésion sociale mis en œuvre par cette organisation démontre que le relèvement communautaire n’est pas une utopie. Ces femmes, qui ont connu l’horreur des déplacements forcés, tissent aujourd’hui les fils de leur propre renaissance.
Mais pourquoi ce modèle devrait-il rester l’exception plutôt que devenir la règle ? Le coordonnateur humanitaire RDC insiste sur la nécessité d’étendre ces initiatives à d’autres provinces de la RDC. « Il faut appuyer ces gens qui rentrent chez eux, surtout ces femmes et ces filles qui ont beaucoup souffert les dernières années », plaide-t-il. Son message est clair : l’assistance ne doit plus être une fin en soi, mais un tremplin vers l’autonomie.
Dans cette région où la violence a tout emporté sur son passage, le retour des déplacés Nord-Kivu dans leurs communautés d’origine représente un défi immense. Comment reconstruire quand les blessures sont encore vives ? Comment cultiver la terre quand les souvenirs de l’exode hantent encore les mémoires ? Le processus de relèvement des retournés Masisi montre la voie : en redonnant aux populations les moyens de leur subsistance, on restaure bien plus que des économies locales – on répare le tissu social déchiré.
« Aider les gens à reprendre un peu d’activité économique pour qu’ils puissent de nouveau toucher un peu de revenus pour permettre à leurs familles, à leurs enfants, etc., de reprendre une vie normale », explique Bruno Lemarquis ONU. Cette approche, qui pourrait sembler évidente, représente pourtant une rupture radicale avec les pratiques humanitaires traditionnelles. Elle place les bénéficiaires au centre de leur propre destin, transformant l’assisté en acteur de son développement.
Le chemin vers le relèvement communautaire complet reste long et semé d’embûches. Les défis sont nombreux : sécurité précaire, infrastructures détruites, traumatismes psychologiques profonds. Pourtant, l’espoir renaît dans le regard de ces femmes de la coopérative Tuungana. Leur détermination silencieuse est peut-être la plus belle réponse aux sceptiques qui doutent de la capacité des communautés à se relever seules.
La visite de Bruno Lemarquis à Sake marque ainsi un tournant dans la conception même de l’aide humanitaire en RDC. Elle pose une question fondamentale : jusqu’à quand continuera-t-on à assister les populations plutôt qu’à les accompagner vers l’autonomie ? Le temps des solutions temporaires est révolu ; place maintenant aux stratégies durables qui redonnent aux Congolais la maîtrise de leur avenir.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
