Le Centre de recherches en finances publiques et développement local (Crefdl) a dévoilé jeudi 25 septembre une enquête approfondie sur la gestion du Fonds spécial de réparation et d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC (Frivao), mettant en lumière des pratiques frauduleuses dans le processus d’indemnisation. Selon les conclusions du Crefdl, des individus œuvrant au sein d’un fonds de solidarité, supposé partenaire du Frivao, ont imposé des frais illégaux aux victimes de la guerre de six jours dans le territoire de Banalia, compromettant ainsi l’intégrité du système de compensation des victimes en RDC.
L’enquête, menée grâce à des entretiens directs avec de nombreuses victimes à Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo, a établi que ces frais s’élevaient à 82 000 francs congolais, soit approximativement 29 dollars américains. Comment expliquer que des personnes déjà éprouvées par les conflits doivent débourser des sommes pour obtenir leurs droits légitimes ? La répartition de ces coûts a été précisée dans le rapport : 38 000 FC étaient exigés pour une indemnisation rapide sans jugement, 2 000 FC pour l’enregistrement initial, et 2 000 FC supplémentaires pour la vérification des noms sur les listes d’indemnisation. À cela s’ajoutaient 34 000 FC, incluant 30 000 FC pour une fiche administrative une fois le nom validé, 4 000 FC pour une photo d’identité, 2 000 FC pour une enveloppe et 2 000 FC pour des photocopies de documents.
Ces révélations soulèvent des questions cruciales sur la transparence de la gestion du Frivao, fonds issu de la condamnation de l’Ouganda par la Cour internationale de Justice en 2022. La CIJ avait ordonné à Kampala de verser 325 millions de dollars en compensation pour les préjudices causés durant la guerre de six jours et autres hostilités entre 1998 et 2000, principalement à Kisangani. À ce jour, seuls 194 millions de dollars ont été payés par l’Ouganda, et une infime partie, à peine 2,1 millions, a effectivement atteint les victimes. Cette situation accentue l’urgence d’une réforme pour garantir que la compensation des victimes en RDC soit équitable et exempte de fraude.
Face à ces dysfonctionnements, le Crefdl a émis une recommandation pressante au ministre de la Justice, appelant à la suspension immédiate des opérations de paiement et à la conduite d’une évaluation à mi-parcours. Cette mesure vise à tirer des leçons des erreurs commises et à restructurer le processus pour éviter de nouvelles exploitations. L’enquête du Crefdl sur la fraude à l’indemnisation sert ainsi de signal d’alarme pour renforcer la gouvernance des fonds publics en République Démocratique du Congo.
La gravité de ces allégations nécessite une réponse rapide des autorités judiciaires pour investiguer les responsabilités et sanctionner les éventuels abus. Les victimes de la guerre de Kisangani, déjà marquées par des années de souffrance, méritent une compensation juste et transparente, conformément aux décisions internationales. Cette affaire pourrait-elle conduire à un réexamen plus large des mécanismes de réparation en RDC ? Seul un audit rigoureux permettra de rétablir la confiance dans le Frivao et d’assurer que les fonds destinés aux victimes leur parviennent intégralement.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd