Le pont Lueta, autrefois artère vitale reliant Samuanda à Luiza au Kasaï Central, n’est plus aujourd’hui qu’un symbole de l’abandon des populations rurales. Les images de ce pont flottant délabré, fermé depuis des mois par l’Office des routes provincial, racontent une histoire bien trop familière dans cette région enclavée de la République Démocratique du Congo.
« Je dois maintenant porter mon sac de maïs sur la tête pour traverser la rivière à pied », témoigne Mukendi, agriculteur de Samuanda. « Ce qui prenait 10 minutes en véhicule demande maintenant deux heures d’efforts épuisants. Mes produits s’abîment, et certains jours, quand la rivière est haute, nous risquons nos vies. »
Cette situation critique illustre la profonde crise infrastructures Kasaï Central qui frappe cette province. La route Samuanda Luiza, surnommée « la route du salut » par les habitants, est devenue un chemin de croix pour des milliers de personnes. Comment une région aussi stratégique peut-elle être ainsi coupée du reste du pays ?
Les autorités provinciales sonnent l’alarme. Djorry Ngandu Lukadi, directeur de cabinet du gouverneur, ne cache pas sa frustration : « Le pont est déjà cassé. Les gens traversent avec des sacs sur les épaules, c’est inacceptable. Nous sommes abandonnés à notre triste sort. »
L’isolement populations Kasaï s’aggrave de jour en jour. Les marchandises ne circulent plus, les prix des denrées flambent, et les malades ne peuvent plus accéder aux centres de santé de Luiza. « Ma femme a accouché sur la berge parce que nous n’avons pas pu traverser à temps », raconte un habitant visiblement ému.
L’Office des routes RDC à Kinshasa semble sourd aux appels répétés. Les devis pour la reconstruction du pont Lueta dorment dans les tiroirs de la direction générale, tandis que la direction provinciale avoue son impuissance. « Nous n’avons ni équipements, ni financement », reconnaît un responsable local sous couvert d’anonymat.
La reconstruction pont Lueta devient donc un enjeu bien plus large qu’une simple question technique. Elle touche à la dignité des populations, à la survie économique de toute une région, et à la crédibilité des institutions étatiques. Jusqu’à quand les habitants devront-ils compter sur leurs seules forces pour maintenir le lien entre leurs communautés ?
Les conséquences de cette négligence sont multiples : augmentation de la pauvreté, recrudescence des maladies, exode rural accéléré. Les jeunes quittent les villages, faute de perspectives économiques. « Sans route praticable, nos enfants n’ont aucun avenir ici », déplore une mère de famille rencontrée près du pont désaffecté.
La solution passe nécessairement par une intervention urgente du gouvernement central. Le Fonds national d’entretien routier (FONER) et le ministère des Infrastructures doivent prendre leurs responsabilités. La reconstruction de ce pont stratégique représente bien plus qu’un projet d’infrastructure : c’est un impératif humanitaire et économique pour tout le Kasaï Central.
Alors que la saison des pluies approche, l’urgence devient plus pressante encore. Les populations riveraines regardent vers Kinshasa avec un mélange d’espoir et de résignation. Leur patience a des limites, tout comme leur capacité à survivre dans des conditions aussi précaires. La balle est désormais dans le camp des autorités nationales.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net