Une odeur nauséabonde envahit les salles de classe, des flaques d’eau souillée stagnent sous les pupitres, et le bruit des écoulements parasites couvre parfois la voix des enseignants. Voici le quotidien insupportable que vivent les élèves du Collège Saint-Charles Lwanga, dans la commune de Barumbu à Kinshasa. Comment peut-on espérer étudier dans de telles conditions ?
La protestation des élèves qui a éclaté mercredi dernier n’est que la partie visible d’un problème plus profond qui mine le système éducatif congolais. Les eaux usées provenant des habitations voisines ont transformé cet établissement scolaire en véritable zone insalubre. Les salles de classe, lieux d’apprentissage par excellence, sont devenues des réceptacles d’eaux provenant des douches et sanitaires des parcelles environnantes.
« L’eau des douches de nos voisins entre dans nos salles de classe et dégage des odeurs. Nous devons étudier dans de bonnes conditions », témoigne un élève de 4e année des humanités, section commerciale et gestion. Ce cri du cœur résume l’ampleur de la crise sanitaire dans les écoles de la RDC. Comment expliquer qu’en 2024, des élèves soient contraints de suivre leurs cours dans un environnement aussi dégradé ?
Le préfet de l’établissement tire la sonnette d’alarme : cette situation risque non seulement de provoquer un retard dans le calendrier scolaire, mais surtout d’exposer les élèves à des risques sanitaires majeurs. Les maladies hydriques, les infections cutanées et les problèmes respiratoires guettent ces jeunes dont le seul tort est de vouloir s’instruire.
Face à l’urgence, le bourgmestre de Barumbu, Christophe Lomami Lakoy, a annoncé des mesures immédiates : « Nous allons fermer tous ces tuyaux qui versent de l’eau au niveau de l’école ». Cependant, la solution semble plus complexe qu’il n’y paraît. Le responsable communal révèle que les parcelles à l’origine de ces rejets sont majoritairement construites sur des terrains non aedificandi, non urbanisés, ce qui complique considérablement leur encadrement.
Cette situation met en lumière les défis de l’urbanisation sauvage à Kinshasa. L’absence de planification urbaine adéquate et le non-respect des normes de construction créent des conditions d’apprentissage précaires pour des milliers d’élèves. La crise des eaux usées à l’école Saint-Charles Lwanga n’est malheureusement pas un cas isolé dans la capitale congolaise.
Quelles solutions durables peuvent être envisagées ? La fermeture des tuyaux d’évacuation illicites constitue une mesure d’urgence nécessaire, mais elle reste insuffisante. Il importe que les autorités communales et provinciales travaillent de concert pour trouver des solutions structurelles. L’aménagement de systèmes d’évacuation appropriés, la régularisation des constructions anarchiques et le respect des normes urbanistiques s’imposent comme des impératifs.
Cette protestation à Kinshasa soulève une question fondamentale : jusqu’à quand les élèves congolais devront-ils se battre pour obtenir des conditions d’apprentissage décentes ? L’éducation, pilier du développement national, mérite mieux que des salles de classe transformées en caniveaux. L’urgence est là, palpable, dans chaque flaque d’eau sale qui souille les cahiers et les rêves de ces élèves.
La situation du Collège Saint-Charles Lwanga doit servir d’électrochoc aux décideurs. Elle révèle l’ampleur des défis infrastructurels qui entravent le bon fonctionnement du système éducatif congolais. Au-delà des mesures ponctuelles, c’est une réflexion profonde sur l’aménagement urbain et la priorité accordée à l’éducation qu’il faut engager. Car comment bâtir l’avenir de la RDC si les lieux mêmes où se forme la relève de demain sont dans un état si précaire ?
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net
