Dans les couloirs feutrés de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, un dialogue stratégique s’est noué ce mercredi entre Félix Tshisekedi et Emmanuel Macron. Les deux chefs d’État ont consacré leurs échanges à la préparation de la conférence sur la paix dans les Grands Lacs prévue à Paris en octobre 2025, un événement diplomatique dont les enjeux dépassent largement le cadre protocolaire.
Le président français a marqué les esprits en prononçant un discours ferme sur la sécurité dans l’Est de la RDC, exigeant le respect de la souveraineté congolaise devant la communauté internationale. Cette prise de position, saluée par la délégation congolaise, intervient à un moment où la situation sécuritaire dans le Kivu atteint des niveaux de crise alarmants. Comment expliquer ce soudain alignement des positions franco-congolaises sur le dossier des Grands Lacs ?
Emmanuel Macron a insisté sur l’urgence de « redonner espoir aux habitants de l’Est de la RDC », une formulation qui semble épouser les préoccupations longtemps exprimées par Kinshasa. Le chef de l’État français a salué les multiples efforts diplomatiques en cours – processus de Doha, accord de Washington – tout en reconnaissant leur limite face à l’ampleur de la crise. Cette convergence de vues marque-t-elle un tournant dans l’approche française des conflits régionaux ?
De son côté, Félix Tshisekedi a livré une intervention remarquée par son intensité émotionnelle et sa fermeté politique. Le président congolais a dressé un bilan accablant de décennies de conflits : « millions de morts, familles décimées, près de sept millions de déplacés, villages rayés de la carte ». Son plaidoyer vibrant pour la responsabilité internationale résonnait comme un constat d’échec des mécanismes de paix traditionnels.
La dimension symbolique de ce double discours n’a pas échappé aux observateurs. Alors que la RDC s’apprête à siéger au Conseil de sécurité de l’ONU comme membre non permanent pour le mandat 2026-2027, Félix Tshisekedi place la barre très haut en faisant de la paix dans les Grands Lacs sa priorité absolue. Cette future position stratégique offre-t-elle à Kinshasa les leviers nécessaires pour infléchir durablement la dynamique conflictuelle régionale ?
Parallèlement à ces développements diplomatiques, Kinshasa accueillait Carolina Cerqueira, présidente du Parlement angolais et présidente en exercice du Forum des parlements de la CIRGL. Cette visite de travail s’inscrit dans une feuille de route ambitieuse visant à redynamiser les activités de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs. L’Angola, qui assure la présidence tournante de cette instance, semble déterminé à impulser un nouvel élan à la coopération régionale.
La rencontre entre Jean-Michel Sama Lukonde et son homologue angolaise traduit une volonté commune d’ancrer la coopération interparlementaire comme levier de stabilité. Dans un contexte marqué par les incertitudes géopolitiques, ce rapprochement entre Kinshasa et Luanda pourrait-il constituer le ferment d’une nouvelle architecture sécuritaire dans la région ?
L’articulation entre ces différentes initiatives diplomatiques – conférence de Paris, mandat onusien de la RDC, dynamique parlementaire de la CIRGL – dessine les contours d’une stratégie multidimensionnelle. Mais cette multiplication des forums et processus ne risque-t-elle pas d’aboutir à une dilution des efforts, alors que les populations de l’Est congolais attendent des solutions concrètes ?
La conférence de Paris d’octobre 2025 représentera sans doute le premier test décisif de cette nouvelle configuration diplomatique. Emmanuel Macron y engagera son crédit international, tandis que Félix Tshisekedi y verra la matérialisation – ou non – des promesses faites à la tribune de l’ONU. Entre volontarisme affiché et réalités géopolitiques complexes, la voie vers la paix dans les Grands Lacs reste semée d’embûches.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
