La rencontre de ce samedi 21 juin 2025 entre le président Félix Tshisekedi et les représentants des deux principales institutions religieuses du pays s’inscrit dans une séquence politique cruciale pour la stabilité de la République Démocratique du Congo. Alors que la région des Grands Lacs traverse une période de tensions persistantes, cette audience présidentielle témoigne de la volonté affichée par les autorités de Kinshasa d’explorer toutes les voies de dialogue pour consolider la paix.
Le pacte social présenté par la CENCO et l’ECC représente-t-il une véritable feuille de route pour apaiser les conflits qui minent l’est du pays ? La question mérite d’être posée tant les initiatives de médiation se sont multipliées ces dernières années sans toujours produire les effets escomptés. La particularité de cette démarche religieuse réside dans son approche transnationale, les évêques ayant préalablement consulté plusieurs chefs d’État africains et responsables internationaux.
Le président Tshisekedi joue certainement gros en s’appropriant ce processus de médiation religieuse. Après les multiples initiatives de dialogue national qui ont jalonné son mandat, le chef de l’État congolais ne peut se permettre un nouvel échec dans sa quête de légitimité politique. La création d’une équipe dédiée pour poursuivre les discussions avec les églises démontre une certaine prise au sérieux de cette proposition, mais soulève également des interrogations sur la capacité réelle de l’exécutif à traduire ces engagements en actions concrètes.
La composition de la délégation religieuse, menée par Monseigneur Donatien Nshole et le pasteur André Bokondoa, confère à cette initiative une légitimité incontestable. Les deux institutions représentent une force morale considérable dans le paysage congolais, souvent perçues comme des arbitres plus crédibles que les acteurs politiques traditionnels. Leur implication dans ce pacte social pour la paix pourrait constituer un atout majeur pour le président Tshisekedi, à condition que celui-ci ne instrumentalise pas à des fins politiques.
Il est significatif que cette rencontre intervienne quelques semaines après l’appel de l’opposant Martin Fayulu réclamant une audience présidentielle pour les évêques. Le timing ne semble pas fortuit et pourrait révéler une stratégie de récupération politique habile de la part du pouvoir en place. En répondant favorablement à cette demande, le chef de l’État désamorce les critiques tout en s’appropriant une initiative qui pourrait renforcer sa stature d’homme de dialogue.
La durée de l’entretien – près de deux heures – et les déclarations prudentes de Monseigneur Nshole à l’issue de la rencontre suggèrent des échanges substantiels mais probablement non dénués de divergences. Le fait que le président ait « écouté attentivement » tout en formulant des « observations » laisse entrevoir des discussions approfondies où chaque partie a défendu sa vision du processus de paix. Cette médiation religieuse au Congo pourrait-elle réussir là où les mécanismes politiques traditionnels ont échoué ?
Le contexte régional reste particulièrement volatile, avec la persistance des groupes armés dans l’est du pays et les tensions avec certains voisins. Dans ce cadre, le pacte social porté par la CENCO et l’ECC ambitionne de créer les conditions d’un dialogue inclusif dépassant les clivages partisans. Mais sa mise en œuvre concrète dépendra largement de la volonté politique réelle des différents acteurs, à commencer par l’exécutif congolais.
La suite des événements permettra de juger si cette initiative de médiation religieuse constituera un tournant dans la recherche de la paix en RDC ou s’inscrira dans la longue liste des tentatives avortées. La balle est désormais dans le camp du président Tshisekedi, qui devra prouver que son engagement va au-delà des effets d’annonce. La crédibilité de son leadership politique en dépend, tout comme l’avenir de millions de Congolais aspirant à la stabilité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: linterview.cd