À Goma, chef-lieu du Nord-Kivu en République Démocratique du Congo, la décision de l’AFC/M23 de prolonger les heures d’ouverture de la frontière à la Grande Barrière, désormais accessible de 6 heures du matin à minuit, marque un virage stratégique dans la gestion des flux transfrontaliers. Cette mesure, entrée en vigueur récemment, soulève autant d’espoirs que d’interrogations sur les réalités politiques et sécuritaires de la région. Mais à quel prix cette ouverture se fait-elle, alors que l’AFC/M23 consolide son emprise depuis janvier 2025 ?
La frontière RDC Rwanda, longtemps source de tensions, devient le théâtre d’une normalisation sous contrôle rebelle. Les autorités de l’AFC/M23, qui gouvernent de facto la zone, ont officialisé cet ajustement horaire en septembre 2025, arguant d’une volonté de fluidifier les échanges économiques. Pour les commerçants de Goma et de Gisenyi, cette extension des heures frontière Goma représente un soulagement palpable. Ils étaient auparavant contraints de composer avec des fermetures précoces, souvent dès 14 heures, entraînant des retards et des nuits passées de part et d’autre de la frontière. Aujourd’hui, les files d’attente s’allongent jusqu’à minuit, témoignant d’une activité économique revitalisée, mais aussi des défis logistiques et sécuritaires qui persistent.
Parmi les bénéficiaires, Madame Marie-Jeanne Nsabimana, commerçante au marché CADECO de Goma, incarne ce paradoxe. Revenue de Kigali avec sa cargaison de souliers, elle salue la décision : « Cette mesure nous facilite la vie, surtout pour nous, les petits commerçants. » Cependant, son optimisme est tempéré par les craintes liées à l’insécurité dans des quartiers comme Kyeshero, où elle réside. Cette dualité entre opportunité économique et vulnérabilité sécuritaire illustre les limites de l’initiative de l’AFC/M23. Les commerçants Goma Rwanda, piliers de l’économie locale, naviguent désormais dans un environnement où la prolongation des horaires s’accompagne d’une vigilance accrue face aux risques persistants.
Sur le plan politique, cette décision interroge la stratégie de l’AFC/M23, qui joue gros en affichant une gestion apparemment bienveillante. En étendant les heures d’ouverture, la rébellion cherche-t-elle à légitimer son contrôle sur la Grande Barrière Goma, ou s’agit-il d’une manœuvre pour apaiser les tensions internationales, alors que les négociations de Doha piétinent ? L’AFC M23 contrôle la région sans montrer de signes de retrait, malgré les appels à la démilitarisation. Cette ouverture horaire pourrait être perçue comme un outil de soft power, visant à gagner la confiance des populations tout en consolidant une autorité parallèle. Pourtant, l’absence de progrès dans les pourparlers de paix laisse planer le doute sur la durabilité de telles mesures.
Les implications sont profondes : cette initiative reflète une tentative de normalisation dans un contexte d’instabilité chronique. Cependant, elle ne saurait masquer les enjeux sécuritaires sous-jacents. L’insécurité, évoquée par les résidents comme Madame Nsabimana, rappelle que le contrôle de l’AFC/M23 reste fragile face aux défis de la gouvernance locale. Les prochains mois seront cruciaux pour évaluer si cette politique horaire contribuera à une pacification durable ou si elle ne fait que repousser les échéances critiques. Alors que la frontière RDC Rwanda devient plus accessible, la question de la souveraineté congolaise et de la sécurité des civils demeure entière, posant un défi de taille aux acteurs politiques et internationaux.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd