Dans le Nord du Maniema, le paradoxe agricole frappe avec une intensité croissante : des terres fertiles capables de nourrir des régions entières se retrouvent prisonnières de l’enclavement territorial. Les agriculteurs de Punia et ses environs, réunis samedi 19 septembre dernier, ont tiré la sonnette d’alarme devant les autorités provinciales et le Programme d’appui au développement rural inclusif et résilient (PADRIR). Leur constat est sans appel : comment valoriser une production abondante lorsque les routes de desserte agricole ressemblent à des cicatrices impraticables ?
Le territoire de Punia, pourtant doté d’un potentiel agricole remarquable, se heurte à une réalité économique implacable. L’enclavement des territoires en RDC constitue un frein structurel qui annihile les efforts des cultivateurs locaux. Ilda Neubebende Numbi, représentante de l’association Umoja ya Wa Mama wa Punia, résume amèrement cette situation : « Nous cultivons et produisons beaucoup. Mais comme nous sommes enclavés, notre production ne sert à rien ». Cette déclaration souligne l’urgence de réhabiliter les routes agricoles à Punia, véritable colonne vertébrale du développement rural.
Le lancement du cadre de concertation des acteurs de la chaîne de valeur Riz, Maïs et Manioc intervient dans ce contexte de crise logistique. Mathieu Kamulete, coordonnateur provincial intérimaire du PADRIR, explique la démarche : « Nous avons constaté que les acteurs touchant un même produit ne se connaissent pas, ne collaborent pas et ne se font pas confiance ». Cette fragmentation des interventions entrave l’émergence d’une chaîne de valeur riz maïs cohérente, essentielle à la sécurité alimentaire provinciale.
L’approche chaîne de valeur prônée par le PADRIR repose sur un adage économique simple mais puissant : « Le marché qui augmente la production ». Concrètement, une meilleure organisation des acteurs agricoles du Maniema permettrait d’optimiser les calendriers culturaux, d’améliorer la qualité des semences et de structurer les débouchés commerciaux. Les routes agricoles à Punia représentent donc le premier maillon d’une transformation économique plus large.
Mais comment briser le cercle vicieux de l’enclavement ? La réhabilitation des infrastructures routières apparaît comme une condition sine qua non pour désenclaver les territoires RDC et permettre aux agriculteurs d’accéder aux marchés régionaux. Sans cette intervention prioritaire, les efforts de modernisation de l’agriculture Maniema risquent de rester lettre morte. Le développement rural en RDC passe nécessairement par une politique volontariste d’infrastructures adaptées aux réalités locales.
Les conséquences économiques de cette situation sont multiples : pertes post-récolte estimées à plus de 30%, revenus agricoles en berne, et dépendance accrue aux importations alimentaires. Pourtant, une chaîne de valeur riz maïs bien structurée pourrait inverser cette tendance. La mise en place de circuits courts et la professionnalisation des acteurs permettraient de capter une valeur ajoutée actuellement perdue.
À moyen terme, la résolution des problèmes d’enclavement des territoires pourrait transformer radicalement l’économie du Nord Maniema. Une étude récente estime que le potentiel agricole de la région pourrait générer des revenus supplémentaires de l’ordre de 40% pour les ménages ruraux si les conditions d’accès aux marchés étaient améliorées. Le développement rural en RDC trouve ici un champ d’application concret.
La question centrale demeure : les pouvoirs publics et les partenaires techniques parviendront-ils à concrétiser ces engagements ? Le respect du calendrier agricole et la coordination des interventions apparaissent comme des conditions critiques pour réussir cette mutation économique. Les agriculteurs, premiers concernés, attendent des actes concrets après des années de promesses non tenues.
L’enjeu dépasse largement le cadre purement agricole. Une meilleure intégration économique du Nord Maniema contribuerait à stabiliser la région et à offrir des alternatives économiques viables aux populations locales. Le programme PADRIR, s’il parvient à fédérer l’ensemble des parties prenantes, pourrait constituer un tournant décisif pour l’avenir de cette région au potentiel incontestable.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net