La colère gronde dans les salles de classe de la province éducationnelle Tshopo 2. Alors que l’année scolaire peine à démarrer, près de mille enseignants des territoires d’Isangi, Yahuma, Basoko et Opala brandissent la menace d’une grève généralisée. Leur ultimatum est clair : un mois pour régler le paiement des salaires du mois d’août et anticiper celui de septembre, sous peine de voir les écoles se vider de leurs éducateurs.
Comment comprendre que des femmes et des hommes dévoués à l’instruction des jeunes doivent constamment mendier leur dû ? La question hante les couloirs des établissements scolaires de cette région reculée de la République Démocratique du Congo. Le syndrome des salaires impayés semble être devenu une routine mortifère pour le secteur éducatif congolais.
« Les enseignants en ont marre ! », lance Freddy Kiringozi, président syndical de la Solidarité Interprofessionnelle pour le Changement. Son constat est amer : « On ne comprend pas comment est-ce que l’éducation nationale dans son ensemble est gérée. Comment est-ce que la Caritas est en train de malmener les enseignants, mais le gouvernement reste calme ? »
Le cœur du problème réside dans un système de paiement défaillant où les éducateurs subissent systématiquement deux mois de retard, suivis du versement partiel d’un seul mois de salaire. Un véritable cercle vicieux qui plonge les familles d’enseignants dans une précarité alarmante.
La Caritas Développement du diocèse d’Isangi, désignée comme agence de paiement, se retrouve dans le collimateur des syndicats. Pourtant, l’abbé Jean-Claude Bikula, coordonnateur de l’institution, se défend : « C’est le Gouvernement qui paie les enseignants. Moi, je ne suis que le pont. Si l’IFOD me donne l’argent, je vais donner aux enseignants. » Une réponse qui sonne comme un aveu d’impuissance face à un système bureaucratique complexe.
Sur le terrain, l’administration territoriale s’alarme. Médard Elnge, administrateur du territoire d’Opala, ne cache pas ses craintes : « Ça grogne, ça grogne ! Ils risquent de créer un mouvement qui risquerait de faire traîner les enfants à la maison… » Son inquiétude est partagée par les parents d’élèves, déjà éprouvés par les multiples défis du système éducatif congolais.
Cette situation pose une question fondamentale : jusqu’à quand l’éducation restera-t-elle le parent pauvre des politiques publiques en RDC ? Les enseignants grève Tshopo ne sont-ils que la manifestation visible d’un malaise plus profond qui mine l’ensemble du secteur ?
L’ultimatum gouvernement lancé par les syndicats représente un test crucial pour les autorités. Le compte à rebours d’un mois permettra-t-il de débloquer une situation qui dure depuis des années ? La crédibilité de la province éducationnelle Tshopo 2 est en jeu, mais plus encore, c’est l’avenir de milliers d’élèves qui se joue dans cette négociation.
Le cas du Caritas paiement enseignants illustre les défis de la décentralisation dans le secteur éducatif congolais. Si le principe de confier le paiement des enseignants à des structures locales peut sembler pertinent, sa mise en œuvre révèle des failles systémiques qui pénalisent autant les éducateurs que les apprenants.
Alors que la trêve d’un mois commence, tous les regards se tournent vers Kinshasa. Les enseignants sauront-ils faire entendre raison aux décideurs ? L’éducation mérite-t-elle vraiment d’être reléguée au second plan des priorités nationales ? La réponse à ces questions déterminera non seulement le sort des grévistes potentiels, mais aussi la qualité de l’enseignement dispensé aux futures générations congolaises.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net