Dans une intervention musclée lors du dernier conseil des ministres, le président Félix Tshisekedi a tiré la sonnette d’alarme sur l’hémorragie humaine qui se joue sur les voies navigables congolaises. La récurrence des naufrages meurtriers dans la province de l’Équateur a finalement contraint la plus haute autorité du pays à ordonner un renforcement drastique des mesures de sécurité. Mais cette réaction présidentielle, aussi vigoureuse soit-elle, arrive-t-elle après la catastrophe ?
Le chef de l’État a spécifiquement exigé l’interdiction immédiate de la navigation nocturne, mesure phare qui soulève autant d’espoirs que de questions sur sa faisabilité réelle. Comment appliquer une telle prohibition sur l’immense réseau fluvial congolais, où la contrebande et les embarcations clandestines prospèrent depuis des décennies ? La fermeture des points d’embarquement illégaux et la traçabilité obligatoire des embarcations représentent un défi logistique considérable pour un État dont les moyens de contrôle peinent à couvrir l’étendue du territoire.
Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, a relayé la fermeté présidentielle : chaque acteur étatique et sociétal doit désormais assumer ses responsabilités. Cette injonction sonne comme un aveu implicite des défaillances systémiques qui ont transformé les fleuves congolais en couloirs de la mort. Le transport fluvial en RDC, vital pour des millions de citoyens, s’est progressivement mué en pari risqué où la sécurité navigation fleuve Congo reste un vœu pieux.
La demande d’un état des lieux exhaustif confirme le constat accablant d’un secteur laissé à l’abandon. Les tragédies fluviales Équateur des 10 et 11 septembre, qui ont emporté de nombreuses vies, ne constituent malheureusement que l’émergence visible d’un iceberg de négligence. Le processus d’acquisition de bateaux modernes et sécurisés, évoqué par le président, répond à une urgence de longue date mais bute sur les réalités budgétaires et infrastructurelles.
La campagne de sensibilisation annoncée devra surmonter des résistances culturelles et économiques ancrées. Le port obligatoire des équipements de sauvetage, mesure élémentaire dans toute navigation civilisée, représente-t-il un idéal inaccessible pour les populations riveraines ? L’appropriation collective des règles de sécurité nécessitera une révolution des mentalités autant que des moyens.
Ces naufrages RDC successifs jettent une lumière crue sur le fossé entre les déclarations d’intention et les capacités opérationnelles de l’État. Le président Tshisekedi joue sa crédibilité sur sa capacité à transformer ces directives fermes en actions tangibles. L’échec dans ce dossier emblématique porterait un coup sévère à la perception de l’efficacité gouvernementale dans la protection des citoyens.
La balle est désormais dans le camp du vice-premier ministre chargé des Transports, qui devra concilier urgence sécuritaire et réalité terrain. Les prochaines semaines révéleront si ces mesures Tshisekedi navigation marquent un tournant historique ou constituent un énième plan sans suite. La mémoire des victimes des récents naufrages impose plus que des mots : elle exige des actes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
