La justice militaire de l’Ituri a officiellement ouvert, mardi 16 septembre 2025, une enquête approfondie sur les massacres de civils perpétrés dans les localités d’Arr et de Djaiba, situées dans la région de Fataki au territoire de Djugu. Cette mission d’enquête, qualifiée de première du genre par son ampleur et sa composition mixte, intervient plusieurs mois après les événements tragiques survenus entre le 8 et le 12 février 2025, qui avaient provoqué une vive émotion au sein de la population locale et au-delà.
Conduite sous l’autorité de l’avocat général près la cour militaire de l’Ituri, cette opération judiciaire rassemble une pluralité d’expertises techniques et juridiques. La mission se compose effectivement d’experts du bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l’homme de la MONUSCO/Bunia, de médecins légistes de la Police nationale congolaise, de secouristes de la Croix-Rouge, ainsi que d’agents de l’ONG Avocats sans frontières (ASF). Cette collaboration institutionnelle inédite vise à garantir le caractère exhaustif et impartial des investigations.
Selon les déclarations du colonel Joseph Makelele, auditeur supérieur près la cour militaire de l’Ituri, l’objectif principal de cette mission consiste à réunir des éléments de preuve substantiels sur les crimes graves commis à Jaiba et Arr, afin de permettre l’identification et la poursuite judiciaire des auteurs présumés. Les enquêteurs procéderont notamment à l’exhumation des corps des victimes en présence des autorités coutumières et de témoins, une étape cruciale pour établir les circonstances exactes de ces drames et déterminer les causes des décès.
Cependant, le colonel Makelele n’a pas occulté les difficultés opérationnelles auxquelles se heurte la mission. Il a publiquement déploré les menaces persistantes proférées par les miliciens de la Convention pour la révolution populaire (CRP) de Thomas Lubanga, susceptibles d’entraver sérieusement le travail des enquêteurs sur le terrain. Ces intimidations soulèvent des questions cruciales quant à la sécurité des équipes judiciaires et à leur capacité à mener à bien leurs investigations dans un contexte sécuritaire aussi volatile.
Malgré ces défis sécuritaires, les activistes des droits humains et les notables du territoire de Djugu ont salué avec fermeté l’ouverture de ces enquêtes. Ils encouragent vivement la justice militaire à étendre ses investigations à d’autres entités du territoire de Djugu, où des crimes similaires auraient été commis dans une impunity persistante. La question centrale demeure : cette initiative judiciaire parviendra-t-elle à rompre définitivement avec le cycle de violence et d’impunité qui frappe cette région depuis des années ?
La réussite de cette mission revêt une importance symbolique et juridique considérable pour l’ensemble de la province de l’Ituri. Elle représente un test décisif pour la capacité des institutions judiciaires congolaises à lutter contre l’impunité des crimes les plus graves, avec l’appui technique de la communauté internationale. Les prochaines semaines seront déterminantes pour évaluer l’efficacité de cette coopération judiciaire inédite et mesurer son impact sur le processus de justice transitionnelle en République Démocratique du Congo.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net