Le long de l’axe Bunia-Kisangani, un calvaire quotidien se joue pour des centaines de voyageurs congolais. Le contrôle systématique des cartes d’électeurs est devenu un prétexte pour racketter impunément les passagers. «À chaque point de contrôle, on nous réclame 2 000 francs congolais sous divers prétextes», témoigne Jean, commerçant qui effectue régulièrement ce trajet.
Comment en est-on arrivé à cette situation où le droit de circuler librement dans son propre pays devient un privilège payant? La Direction générale de migration (DGM) et le service des Transports ont installé des guichets dans tous les parkings, exigeant la présentation de la carte d’électeur pour établir un manifeste. Une procédure qui coûte systématiquement 2 000 FC à chaque passager.
Mais le pire attend les voyageurs tout au long du parcours. À Tchayi, à seulement 15 km de Bunia, le même scénario se répète. À Kisangani, au PK 23, la DGM confisque carrément les cartes d’électeurs jusqu’au paiement d’une nouvelle «taxe» de 2 000 FC. Comment expliquer que le même document soit contrôlé et facturé à multiples reprises sur le même trajet?
Les points de contrôle se multiplient: Avakubi, Badengaïdo, la réserve de faune à Okapi à Epulu, Mambasa. Cette fois, ce sont les FARDC qui prennent le relais. Résultat: un trajet qui devrait normalement prendre quelques heures s’étire maintenant sur deux à trois jours. Les bus de transport en commun, véritables prisons roulantes pour leurs passagers, voient leurs temps de parcours multipliés par dix.
Et que dire de ceux qui ont perdu leur carte ou ne l’ont jamais eue? Ils doivent s’acquitter d’amendes arbitraires pour pouvoir simplement continuer leur voyage. Une double peine pour des citoyens souvent déjà précaires.
Cette situation pose des questions fondamentales sur l’état de droit en RDC. Jusqu’où peut aller la prédation administrative sur les populations civiles? Quand les services de l’État deviennent-ils des machines à extorquer plutôt qu’à servir?
Les conséquences économiques sont désastreuses. Le commerce entre ces deux villes importantes du pays se trouve étranglé par ces barrières illégales. Le coût du transport explose, répercuté inévitablement sur le prix des marchandises. Qui paie finalement la note? Le consommateur congolais, toujours lui.
Les passagers, excédés, lancent un appel pressant aux autorités. Mais jusqu’à quand devront-ils subir ces tracasseries routières qui n’ont rien à envier à un véritable harcèlement administratif? La libre circulation, droit constitutionnel, est bafouée quotidiennement sur cet axe vital pour l’économie de la région.
Le monnayage de la carte d’électeur, document censé symboliser la citoyenneté, atteint des proportions alarmantes. Quelle image de l’État renvoie-t-on lorsque ses services monnaient l’accès à ses propres routes? La question mérite d’être posée aux plus hautes autorités du pays.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net