Dans la nuit du 10 septembre, les eaux sombres des rivières Nsolo et Maringa ont englouti plus de 100 vies, majoritairement des élèves, dans l’une des plus tragiques catastrophes fluviales que la province de l’Équateur ait connue. Le naufrage de la pirogue motorisée « Bokenda » intervient comme un sinistre rappel de l’insécurité persistante qui règne sur les voies navigables congolaises.
Comment en est-on arrivé à une telle tragédie ? Selon le Panel d’experts de la société civile de l’Équateur, la réponse est accablante : surcharge manifeste, navigation nocturne interdite, et absence totale de contrôles de sécurité. Seules huit personnes ont miraculeusement survécu, sauvées par le courage improvisé des riverains qui ont assisté, impuissants, à cette scène d’horreur.
« La surcharge manifeste et la navigation de nuit, pourtant formellement interdite, sont les causes directes de ce drame », dénonce la société civile dans un communiqué cinglant. Le bilan, encore provisoire, pourrait s’alourdir au fur et à mesure que les recherches progressent dans ces eaux turbulentes où les courants rendent toute opération de sauvetage périlleuse.
Ce naufrage à Basankusu n’est malheureusement pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une longue liste d’accidents fluviaux qui ponctuent l’actualité de la RDC, où le transport par pirogue reste vital pour des milliers de citoyens, mais où la sécurité n’est souvent qu’un vain mot. En octobre dernier, déjà, le lac Kivu avait englouti une vingtaine de vies, poussant le gouvernement à prendre une série de mesures drastiques. Port obligatoire du gilet de sauvetage, contrôle technique des embarcations, interdiction de navigation nocturne… Autant de décisions qui, visiblement, peinent à être appliquées sur le terrain.
Le panel d’experts pointe du doigt « l’irresponsabilité des autorités compétentes » et « le laxisme coupable dans la gestion du trafic fluvial ». Le manque de contrôle des embarcations, l’absence de secours organisés et l’ignorance entretenue des populations face aux risques sont autant de failles systémiques qui transforment les rivières en pièges mortels.
Qui est responsable ? Les autorités locales chargées du transport fluvial ? Le gouvernement central qui ne assure pas le suivi des mesures décidées ? Ou une culture de l’impunité qui permet à de telles négligences de se répéter ? La société civile exige la suspension immédiate des responsables locaux et l’envoi d’une commission d’enquête indépendante. Elle réclame également que des mesures concrètes soient enfin appliquées : contrôle strict du chargement, interdiction réelle de navigation de nuit, et mise en place de dispositifs de sauvetage opérationnels.
Derrière les chiffres et les communiqués, ce sont des familles entières qui pleurent leurs disparus. Des élèves qui ne reviendront jamais de l’école, des parents qui attendront en vain sur les berges. Cette tragédie de Bokeka nous interpelle tous : jusqu’à quand continuera-t-on à sacrifier des vies humaines sur l’autel de la négligence et de l’incurie ?
La sécurité navigation en RDC n’est pas une option, c’est une urgence absolue. Il est temps que les autorités, à tous les niveaux, prennent leurs responsabilités pour que de tels drames ne se reproduisent plus. Le peuple congolais mérite mieux que de risquer sa vie chaque fois qu’il monte dans une pirogue.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd