La Cour suprême du Brésil vit des heures décisives alors que le procès historique de l’ancien président Jair Bolsonaro pour tentative présumée de coup d’État connaît un rebondissement majeur. Mercredi, le juge Luiz Fux a voté en faveur de l’acquittement du leader d’extrême droite, créant une situation de suspense judiciaire rarement vue dans l’histoire brésilienne.
Dans une argumentation technique de plus de dix heures, le magistrat a vivement critiqué les fondements de cette procédure sans précédent. « Il n’appartient pas à la Cour suprême de faire un jugement politique sur ce qui est bon ou mauvais », a-t-il déclaré en préambule, appelant ses pairs à éviter tout verdict influencé par des considérations extra-juridiques.
Cette position contraste fortement avec celle des deux premiers juges ayant déjà voté pour la condamnation de Bolsonaro. Le score est désormais de 2 à 1 en faveur d’une condamnation, mais tout reste possible alors que deux magistrats doivent encore se prononcer d’ici vendredi. Une seule voix supplémentaire suffirait à sceller le sort de l’ancien chef de l’État.
L’enjeu est considérable : Jair Bolsonaro, 70 ans, risque jusqu’à 43 ans de prison pour son implication présumée dans une « organisation criminelle » ayant œuvré à son « maintien autoritaire au pouvoir » après sa défaite électorale face au président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva en 2022.
Le juge Fux a réfuté point par point les accusations portées contre l’ancien président. Selon lui, le supposé complot n’aurait jamais dépassé la « phase préparatoire » et manquerait de preuves tangibles, notamment en ce qui concerne l’existence d’une « organisation criminelle armée ». Le magistrat a même remis en cause la compétence de la Cour suprême pour juger cette affaire, estimant que les accusés, ayant quitté leurs fonctions, devraient être jugés dans des instances inférieures.
Cette position a été accueillie avec enthousiasme par les partisans de Bolsonaro, qui dénoncent depuis des mois une « persécution politique ». Flavio Bolsonaro, fils de l’ancien président, a immédiatement salué sur les réseaux sociaux ce qu’il considère comme une validation de leurs arguments. L’avocat principal de la défense, Celso Vilardi, a quant à lui estimé que l’argumentation du juge Fux « peut être utile à l’avenir » pour d’éventuels recours.
Mais ce procès historique dépasse largement la simple question de la culpabilité ou de l’innocence de l’ancien président. Il révèle les profondes fractures qui traversent la société brésilienne, ultra-polarisée entre pro et anti-Bolsonaro. Alors qu’une partie de l’opinion salue une application stricte de la loi, une autre y voit une instrumentalisation politique de la justice.
Cette polarisation a des conséquences tangibles : le juge Flavio Dino, qui avait voté mardi pour la condamnation, a signalé avoir reçu de « graves menaces » sur les réseaux sociaux. Ses services ont alerté sur « des milliers de posts appelant à des attaques mortelles contre les juges et leurs familles », conduisant à l’ouverture d’une enquête policière.
La dimension internationale de cette affaire n’est pas non plus à négliger. Le président américain Donald Trump a qualifié le procès de « chasse aux sorcières » et a imposé des sanctions commerciales contre le Brésil, ciblant spécifiquement le juge Alexandre de Moraes et plusieurs magistrats de la Cour suprême. Cette ingérence étrangère dans les affaires judiciaires brésiliennes ajoute une couche de complexité géopolitique à ce dossier déjà explosif.
Alors que le verdict final approche, une question cruciale se pose : la justice brésilienne parviendra-t-elle à rendre une décision apaisante dans un contexte si inflammable ? Le jugement pourrait soit marquer un tournant dans la lutte contre l’impunité des puissants, soit au contraire approfondir les divisions et alimenter le sentiment de persécution parmi les conservateurs.
L’acquittement ou la condamnation de Jair Bolsonaro aura inévitablement des répercussions majeures sur l’équilibre politique brésilien et pourrait même influencer le cours des prochaines élections. Dans un pays où la mémoire des périodes autoritaires reste vive, ce procès teste la résilience des institutions démocratiques face aux tentations autoritaires.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: mediacongo.net
