Le Bureau de l’Assemblée nationale de la République Démocratique du Congo, sous l’impulsion de son président Vital Kamerhe, a engagé une séquence diplomatique remarquable en convoquant une série de consultations pré-parlementaires. Cette manœuvre stratégique, inaugurée le 10 septembre, vise ostensiblement à apaiser les tensions et à forge une cohésion autour des priorités gouvernementales. Mais ne s’agirait-il pas plutôt d’une opération de séduction à grande échelle destinée à verrouiller le processus d’adoption du budget 2026 ?
La méthodologie employée révèle une approche segmentée et calculée. Le Bureau a procédé par caucus régionaux, rencontrant d’abord les élus du Grand Équateur, du Grand Bandundu et du Grand Katanga. Ces échanges, présentés comme des espaces de dialogue, permettent surtout au présidium de cartographier les revendications territoriales et d’anticiper les points de friction. Quel meilleur moyen de désamorcer les contestations potentielles que de les identifier en amont ?
En parallèle, la Conférence des Présidents s’est réunie pour examiner les grands enjeux de la session parlementaire à venir. Jacques Djoli, Rapporteur de l’Assemblée nationale, a dressé une liste de priorités qui ressemble étrangement à une feuille de route présidentielle : vote du budget 2026, situation sécuritaire à l’Est, stabilité institutionnelle, unité nationale et intégrité territoriale. Une convergence trop parfaite pour être fortuite, qui interroge sur l’autonomie réelle du législatif face à l’exécutif.
La suite des consultations avec les caucus du Grand Kasaï, Grand Orientale, Grand Kivu, Kinshasa et Kongo-Central s’apparente à une vaste opération de lobbying parlementaire. Cette démarche inclusive, bien que louable en apparence, sert surtout à légitimer un agenda déjà largement déterminé. Le président Kamerhe joue ici un rôle d’équilibriste, devant concilier les impératifs du Chef de l’État avec les aspirations parfois contradictoires des représentants nationaux.
La question budgétaire demeure l’épine dorsale de ces négociations. Le vote du budget 2026 représente un enjeu crucial pour la stabilité gouvernementale, mais aussi un formidable levier de pression pour les députés nationaux. Ces consultations régionales offrent ainsi un cadre formel pour monnayer les soutiens parlementaires contre des engagements de développement local. Une marchandisation démocratique qui n’est pas sans rappeler les pratiques politiques congolaises traditionnelles.
La situation sécuritaire dans l’Est du pays et la défense de l’intégrité territoriale servent de caution morale à ce processus, permettant de fédérer les énergies autour d’objectifs consensuels. Mais ne risque-t-on pas de voir les véritables enjeux de développement être relégués au second plan par ces impératifs sécuritaires ? Le maintien de la stabilité institutionnelle et le renforcement de l’unité nationale sonnent comme des mantras politiques, mais recouvrent des réalités complexes et souvent conflictuelles.
Cette rentrée parlementaire 2026 s’annonce donc comme un exercice d’équilibre périlleux pour Vital Kamerhe. Sa capacité à maintenir la cohésion autour des priorités gouvernementales tout en préservant une apparence d’indépendance parlementaire déterminera sa crédibilité en tant que président de l’Assemblée nationale. Le succès de ces consultations préalables ne garantit en rien celui de la session à venir, où les clivages pourraient ressurgir avec virulence une fois les véritables arbitrages budgétaires révélés.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
