Les services de renseignement affiliés au mouvement AFC/M23 ont procédé, dimanche 7 septembre, à l’arrestation et à la détention de Me Liévin Mivumba, secrétaire adjoint du Conseil de l’Ordre des avocats du Nord-Kivu. L’avocat a été placé au cachot de l’Agence nationale des renseignements (ANR) à Goma, soulevant de vives préoccupations quant au respect des droits de la défense et de l’indépendance de la profession d’avocat dans cette région en proie à l’instabilité.
Mandaté officiellement par le Barreau de Goma pour convoyer un véhicule administratif devant subir des réparations en Ouganda, Me Mivumba a été interpellé alors qu’il effectuait les formalités douanières habituelles à la Grande Barrière de Goma. Selon des sources concordantes, des agents des services de renseignement l’ont sommé de rebrousser chemin avant de le conduire manu militari vers les locaux de l’ANR où il a été placé en détention.
Lors de son interrogatoire, l’avocat a été informé que le mouvement rebelle s’opposait catégoriquement à la sortie du véhicule du territoire sous son contrôle. Les autorités auto-proclamées ont contesté la validité de l’ordre de mission, jugé émis en dehors de leur zone d’influence effective. Une situation qui interroge sur la légitimité réelle des instances judiciaires à exercer leurs prérogatives dans un contexte de fragmentation territoriale.
L’AFC/M23 a formulé des accusations graves à l’encontre de l’avocat, l’accusant d’avoir tenté de « soustraire » un bien appartenant au Barreau de Goma et d’avoir agi sur instruction d’un bâtonnier qu’il qualifie d’« installé en territoire ennemi ». Des allégations qui semblent refléter une volonté de remettre en cause l’autorité des institutions judiciaires légitimes de la République Démocratique du Congo.
Malgré les démarches entreprises par ses confrères du Barreau du Nord-Kivu pour obtenir sa libération immédiate, toutes les tentatives sont restées vaines jusqu’à présent. Dans un communiqué ferme, l’ordre des avocats a dénoncé une atteinte flagrante à l’indépendance des avocats et exigé la libération sans condition de Me Mivumba.
Les membres du barreau dénoncent par ailleurs un climat de peur et d’intimidation qui s’est installé progressivement dans la région. Ils affirment se sentir désormais comme des « prisonniers » sous la surveillance constante des services du M23, qui tenteraient méthodiquement d’imposer leur propre système judiciaire parallèle. Une situation qui menace les fondements mêmes de l’État de droit et la protection des droits des justiciables.
Cette arrestation arbitraire soulève des questions cruciales sur l’avenir de la profession d’avocat dans les zones sous contrôle rebelle. Jusqu’où les groupes armés peuvent-ils aller dans leur volonté de supplanter les institutions étatiques ? Comment garantir l’exercice indépendant de la profession d’avocat lorsque celle-ci est soumise à la pression permanente de factions armées ?
La communauté juridique nationale et internationale surveille avec attention l’évolution de cette affaire emblématique, qui pourrait constituer un précédent dangereux pour l’indépendance de la justice congolaise. Les prochaines heures seront déterminantes pour connaître le sort réservé à Me Mivumba et, au-delà, pour l’avenir de l’État de droit dans l’est de la République Démocratique du Congo.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net