Dans l’ombre des conflits qui déchirent l’est de la République Démocratique du Congo, l’ouest du pays sombre dans une crise humanitaire tout aussi alarmante. Depuis avril 2025, plus de 118 000 civils ont fui les attaques répétées de la milice Mobondo dans la province du Kwilu. Un drame qui se joue dans l’indifférence générale, sans aucune assistance humanitaire sur le terrain.
« Nous avons tout perdu en une nuit », témoigne Jonathan Mesa, déplacé de Bagata. « Les hommes armés ont brûlé notre maison, volé notre bétail et tué nos voisins. Nous avons marché pendant des jours sans savoir où trouver refuge ».
Le secteur de Wamba-Fatundu, dans le territoire de Bagata, est devenu l’épicentre de cette violence systématique. Les localités riveraines du Kwango – Fadiaka, Fambembe, Fankamba, Kalakitini et Kisia – subissent des attaques ciblées où se mêlent pillages, incendies criminels et exécutions sommaires. Une dizaine de civils ont déjà perdu la vie, tandis que des centaines de familles se retrouvent sans abri.
Comment en est-on arrivé à une telle impunité ? Le rapport d’Ocha publié en septembre dresse un constat accablant : enlèvements, extorsions et taxes illégales imposées par les éléments armés sont devenus le quotidien des populations civiles. Une économie de la terreur qui prospère sur fond de carence étatique.
Les évaluations multisectorielles menées entre mai et août 2025 révèlent l’ampleur du désastre : 42 901 ménages déplacés, dont 70% ont fui les violences armées. Paradoxalement, 30% des déplacements sont attribués aux intempéries – inondations et pluies torrentielles – qui viennent aggraver une situation déjà catastrophique.
La solidarité communautaire atteint ses limites. 80% des déplacés survivent grâce à l’accueil de familles hôtes aux ressources déjà précaires. Les autres errent entre centres collectifs de fortune où manquent l’eau potable, la nourriture et les abris décents. « Comment partager un bol de manioc quand on n’a déjà pas de quoi nourrir ses propres enfants ? », s’interroge une habitante de Kisia.
Les besoins prioritaires – abris, articles ménagers, sécurité alimentaire et accès à l’eau – crient d’urgence. Pourtant, Ocha souligne l’absence criante de financements et les contraintes d’accès qui privent les survivants de toute assistance. Avec les 101 758 déplacés recensés jusqu’en juillet 2024, ce sont désormais 1,25 million de personnes qui basculent dans l’insécurité alimentaire.
Cette crise du Kwilu pose une question fondamentale : jusqu’où peut-on laisser des populations entières sombrer dans l’oubli ? Alors que la communauté internationale se focalise sur l’est du pays, l’ouest congolais vit sa propre tragédie dans l’indifférence. Les déplacés de Bagata attendent plus que des rapports – ils attendent une action concrète avant que le pire ne se produise.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd