Dans un contexte politique congolais déjà volatile, l’arrestation de quatorze députés nationaux à Kinshasa vendredi dernier jette une ombre inquiétante sur le respect des immunités parlementaires et le fonctionnement démocratique des institutions. Les circonstances de cette interpellation, survenue dans une chambre d’hôtel du Rotana où les élus recueillaient des signatures pour une motion de soutien au bureau de l’Assemblée nationale, soulèvent des questions fondamentales sur l’équilibre des pouvoirs.
Selon le témoignage anonyme d’un des parlementaires arrêtés, les militaires ont procédé à des fouilles intrusives et à la confiscation de leurs téléphones et argent liquide avant de les emmener menottés. La méthode employée – obliger les élus à couvrir leur visage durant le transfert – évoque des pratiques que l’on croyait révolues dans un État de droit. Comment expliquer que des représentants du peuple soient traités comme des criminels pour avoir exercer leur mandat politique ?
La destination finale de ce cortège inhabituel – le bureau du Conseil national de cybersécurité – interroge sur la nature réelle des accusations pesant sur ces députés. La détention jusqu’à 3 heures du matin sans audition, suivie de la restitution partielle de leurs effets personnels mais pas des documents liés à leur activité parlementaire, dessine un tableau troublant de l’état des libertés démocratiques.
Les réactions politiques ne se sont pas fait attendre. Le député Olivier Kabeya dénonce sur les réseaux sociaux des motifs fallacieux et une atteinte aux droits fondamentaux, tandis que Gratien Iracan fustige des arrestations arbitraires qui bafouent l’immunité parlementaire. Ces voix s’élèvent dans un vacuum institutionnel inquiétant, les autorités compétentes restant muettes face à ces événements.
Cette affaire dépasse le simple incident politique pour toucher à l’essence même de la démocratie congolaise. L’immunité parlementaire, garantie constitutionnelle essentielle au libre exercice du mandat représentatif, semble vaciller sous les coups de boutoir d’appareils sécuritaires aux motivations opaques. La confiscation de la motion de soutien – document politique légitime – crée un précédent dangereux pour la liberté d’expression des élus.
La crise politique à l’Assemblée nationale trouve ici une expression dramatique, où la lutte d’influence entre factions se règle par des moyens extra-parlementaires. Le choix du Conseil national de cybersécurité comme lieu de détention suggère une criminalisation des activités politiques légitimes sous couvert de lutte contre les cybermenaces – instrumentalisation inquiétante des institutions républicaines.
Quelles conséquences pour la stabilité institutionnelle de la RDC ? Ces arrestations de députés risquent de creuser davantage le fossé entre majorité et opposition, polarisant le jeu politique au moment où le pays aurait besoin d’apaisement. La fragilisation de l’Assemblée nationale affaiblit in fine l’ensemble de l’édifice démocratique congolais.
Les prochains jours seront décisifs. Soit les autorités judiciaires et exécutives rectifieront cette dérive en reconnaissant le caractère illégal de ces interpellations, soit elles assumeront une logique de répression politique qui pourrait durablement entacher l’image internationale de la RDC. La balle est désormais dans le camp des institutions censées garantir l’État de droit.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd