À Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo, l’ambiance est morose à l’approche de la rentrée des classes. Les établissements scolaires, qu’ils soient laïques ou conventionnés, font face à une inquiétante désaffection des inscriptions. Les préaux restent étrangement silencieux, les bureaux des directeurs peu fréquentés, et les listes d’élèves attendues demeurent désespérément vides.
Comment expliquer cette frilosité des parents alors que le calendrier scolaire impose sa cadence ? La réponse revient comme un leitmotiv dans les conversations : le manque criant de moyens financiers. Les salaires qui tardent, l’inflation qui grignote le pouvoir d’achat, les multiples frais scolaires qui s’accumulent… Autant de obstacles qui semblent insurmontables pour de nombreuses familles.
« Je n’ai encore inscrit aucun de mes trois enfants », confie un parent, le regard préoccupé. « J’attends ma paie du mois, mais elle n’arrive toujours pas. Comment faire face aux frais de minerval, aux uniformes, aux cahiers et aux livres ? » Cette situation n’est malheureusement pas isolée et reflète une précarité grandissante qui frappe de plein fouet le système éducatif congolais.
Du côté des gestionnaires d’écoles, l’inquiétude est palpable. Michaux Dupont, responsable du Complexe Scolaire Bahoya, dresse un constat sans appel : « Comparé à l’année dernière, les parents se contentent de prendre des informations sur les modalités d’inscription sans concrétiser. » Une attitude devenue symptomatique d’une crise plus profonde qui mine le secteur de l’éducation en RDC.
À l’Institut Tobongisa, la situation n’est guère plus réjouissante. Nono Katusi, cheffe d’établissement, fait état de seulement une cinquantaine d’inscriptions pour des centaines d’élèves attendus. Pourtant, la machine administrative tourne déjà à plein régime. « Nous tenons des réunions pédagogiques pour préparer les prévisions des matières et l’accueil des élèves », assure-t-elle, déterminée à maintenir le cap malgré les difficultés.
Cette faible mobilisation interroge sur l’avenir de l’éducation dans la région. Les inscriptions écoles Tshopo seront-elles à la hauteur des enjeux ? Comment garantir le droit à l’éducation quand les moyens financiers des parents font défaut ? La crise éducation RDC prend ici une dimension particulièrement concrète et préoccupante.
Malgré ce contexte difficile, les équipes pédagogiques s’activent. Les salles de classe sont nettoyées, les emplois du temps préparés, les programmes révisés. Une volonté de résilience face à l’adversité économique. Mais jusqu’à quand pourront-elles tenir sans une hausse significative des effectifs ?
La rentrée scolaire Kisangani 2023 s’annonce donc comme un véritable casse-tête pour tous les acteurs du système éducatif. Entre préparatifs administratifs et réalité socio-économique, le fossé semble se creuser un peu plus chaque année. Les enjeux sont pourtant colossaux : assurer la continuité pédagogique, maintenir la qualité de l’enseignement, et surtout, ne laisser aucun enfant au bord du chemin.
Alors que les sirènes de la rentrée retentiront dans quelques jours, une question cruciale persiste : comment bâtir l’avenir de toute une génération lorsque les bases matérielles de son éducation vacillent ? Le défi est de taille, mais l’espoir demeure que solutions innovantes et solidarité communautaire permettront de surmonter cette période difficile.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net