À Matadi, une bataille juridique et humaine oppose depuis près de deux ans des maraîchers historiques au diocèse local. Le cœur du conflit ? Un terrain de 67 hectares à Kinkanda-Safari, autrefois grenier maraîcher de la ville, aujourd’hui symbole de tensions foncières et d’injustice sociale.
« Nous cultivions cette terre depuis 1976. Elle nourrissait nos familles et approvisionnait Matadi en légumes frais. Aujourd’hui, tout est détruit », témoigne Florent Floribert Diban’d Kavulu, coordonnateur de l’Association des Maraîchers de Matadi (AMAKI). La colère et l’amertume sont palpables parmi ces agriculteurs délogés, jetés dans une précarité dont les conséquences dépassent le simple accès à la terre.
D’un côté, l’AMAKI brandit une ordonnance et un arrêté gubernatorial datant de l’époque mobutiste, preuves, selon elle, de la légalité de son occupation. De l’autre, le diocèse de Matadi affirme détenir des titres de propriété légaux et soutient que le droit a été rendu. Deux récits, deux légitimités, et entre elles, un vide juridique qui laisse des dizaines de familles sans recours.
Les maraîchers dénoncent une série d’abus : cultures saccagées, site séquestré, arrestations arbitraires et déguerpissements forcés. Autant de coups portés à une économie locale fragile, où chaque plant arraché signifie un repas en moins, une scolarité interrompue, un avenir compromis. Comment en est-on arrivé là ? Qui tire profit de cette confusion foncière ?
La situation s’est envenimée avec la possible complicité d’un ancien conservateur des titres fonciers, accusé d’avoir délivré un certificat en violation de la loi. Une manipulation qui aurait favorisé le diocèse, selon l’AMAKI, plongeant davantage le conflit dans une opacité inquiétante.
Au-delà du différend juridique, c’est une crise sociale qui couve à Kongo Central. La perte de ce site agricole stratégique menace la sécurité alimentaire de Matadi et aggrave la vulnérabilité économique de familles entières. Les maraîchers, aujourd’hui sans ressources, appellent les autorités provinciales à une intervention impartiale et urgente.
Ce conflit foncier à Matadi pose des questions fondamentales sur la gouvernance des terres, les droits des petits producteurs et l’équité dans l’accès aux ressources. Dans une région où l’agriculture urbaine et périurbaine reste vitale, la résolution de tels litiges est un impératif de justice sociale et de stabilité économique. La balle est désormais dans le camp des autorités : sauront-elles trancher avec équité et éviter l’embrasement ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net