Le grondement des pelleteuses résonne dans Kinshasa comme un symbole de promesses futures, mais pour les millions d’habitants de la capitale congolaise, c’est d’abord le bruit d’un cauchemar quotidien. Depuis cinq mois, les travaux de réhabilitation des routes transforment les déplacements en parcours du combattant, soulevant une vague de frustrations légitimes au sein d’une population prise en étau entre nécessité d’infrastructures modernes et réalité d’un présent insoutenable.
« Nous faisons face à des embouteillages persistants. Pour parcourir 1 kilomètre, il faut parfois passer 3 heures à bord d’un taxi ! », témoigne un étudiant rencontré au rond-point Victoire, la fatigue creusant son visage. Comme lui, des milliers de Kinois subissent cette double peine : des retards systématiques aux cours ou au travail, couplés à une flambée inédite des prix des transports. « La majoration touche aussi bien les bus que les motos-taxi », précise-t-il, soulignant comment les travaux routiers à Kinshasa font peser une pression économique insoutenable sur les ménages.
Les artères principales – l’avenue Kasa-Vubu, le boulevard du 30 Juin – ressemblent à des veines obstruées où s’engorgent taxis jaunes, bus bleus et motos. Les conséquences dépassent la simple gêne : commerces désertés, livraisons paralysées, salariés licenciés pour retards répétés. Un motard, le visage ruisselant sous le soleil équatorial, lance un cri du cœur : « Nous déplorons que ces travaux touchent simultanément les grands axes sans déviations claires. Pourquoi ne pas terminer une section avant d’en commencer une autre ? ».
Cette colère trouve un écho particulier à l’approche de la saison des pluies. Les usagers redoutent que l’arrivée des précipitations ne transforme les chantiers en bourbiers, prolongeant indéfiniment le calvaire. « Nous avons l’impression que ces travaux prendront plus de temps que prévu », craint un automobiliste, observant des machines parfois immobiles plusieurs jours d’affilée. Un chef de chantier à Kalamu tente de rassurer : « Les travaux doivent durer 12 mois. Nous avons déjà réalisé près de la moitié des travaux ». Mais un ouvrier confie sous couvert d’anonymat : « Des jours sans activité ? C’est à cause de pannes techniques, pas de paresse ».
Les piétons ne sont pas épargnés, dénonçant l’absence d’aménagements sécurisés temporaires qui les obligent à slalomer entre camions et excavations. « On risque sa vie pour traverser », déplore une mère de famille serrant la main de son enfant près de la Gombe. La réhabilitation des routes en RDC, si cruciale pour le développement, se paie-t-elle au prix du bien-être immédiat des citoyens ?
Face à cette situation explosive, les Kinois réclament des mesures d’urgence : des déviations correctement balisées, une accélération rythmée des chantiers, voire une modulation des horaires de travail. « Nous ne demandons pas l’impossible, juste un peu d’accélération pour notre temps », plaide un commerçant dont le chiffre d’affaires a fondu comme neige au soleil. Alors que les embouteillages à Kinshasa battent des records historiques, l’espoir d’une capitale mieux désenclavée se heurte à une réalité brutale : peut-on sacrifier le présent des Kinois sur l’autel des infrastructures futures sans garde-fous ? La réponse se joue dans chaque rue en travaux, sous le regard inquiet d’une population à bout de souffle.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd