La Cour de Cassation de la République Démocratique du Congo a clos les plaidoiries dans l’affaire Constant Mutamba, ancien ministre de la Justice, dans une atmosphère chargée d’accusations inédites. Alors que l’avocat général Sylvain Kalwila requiert dix ans de travaux forcés pour détournement de deniers publics, la défense a retourné l’accusation vers le cabinet de la Première ministre, dénonçant une « nonchalance administrative » ayant illégitimement conduit à cette procédure judiciaire.
Maître Konde, avocat du prévenu, a fustigé avec virulence le manquement aux délais légaux par les services de la Primature. « Comment comprendre que le cabinet ayant réceptionné la lettre du ministre le 1er avril ait attendu jusqu’au 8 mai 2025 pour réagir, soit bien au-delà du délai de dix jours prévu à l’article 20 du manuel des procédures ? », s’est-il interrogé devant la haute juridiction. Cette inertie, selon la défense, n’aurait été rompue que sous la pression de la Cellule Nationale des Renseignements Financiers (CENAREF), intervenue le 2 mai.
L’argument central du conseil repose sur une présomption de régularité : si le cabinet du Premier ministre avait observé les délais réglementaires, l’exécution du contrat avec Zion Construction – au cœur des accusations – serait apparue conforme. « Le procès Mutamba est un procès de la lenteur administrative », a lancé Me Konde, établissant un parallèle historique avec l’affaire Dreyfus. « Doit-on condamner un homme parce que des autorités ont négligé leurs obligations ? Nous disons non », a-t-il martelé, demandant à la Cour de cassation d’annuler des poursuites qu’il estime entachées d’illégalité procédurale.
Cette offensive de la défense contraste avec le réquisitoire implacable du ministère public. L’accusation a détaillé une série d’irrégularités caractérisées : recours abusif à la procédure de gré à gré, contournement systématique du secrétariat général à la Justice, et signature d’un marché avec Zion Construct – société dépourvue d’existence juridique vérifiable. « L’élément matériel du détournement est établi dès le virement des fonds publics vers un compte fantôme », a soutenu l’avocat général, soulignant que l’ancien ministre, juriste aguerri, ne pouvait ignorer les règles élémentaires de passation des marchés publics.
L’intention frauduleuse, pièce maîtresse de l’accusation, s’appuie sur un faisceau d’indices : absence d’avis de non-objection, validation inexistante par le Conseil des ministres, et choix délibéré d’une structure sans siège social ni personnel identifié. « Cette société n’était qu’un écran fictif permettant le détournement », a affirmé le représentant du parquet, requérant outre la peine d’emprisonnement, dix ans d’inéligibilité et l’exclusion définitive des fonctions publiques.
Dans sa dernière intervention, la défense a tenté de relativiser ces griefs en invoquant un contexte administratif défaillant : « Monsieur Mutamba a dérangé des intérêts, mais est-ce un crime d’agir lorsque l’administration supérieure reste silencieuse ? » Une question rhétorique laissée en suspens devant une Cour de Cassation désormais en délibéré. L’arrêt, attendu pour le 27 août prochain, devra trancher entre la thèse du détournement prémédité et celle d’un enchaînement procédural déclenché par des carences gouvernementales. Ce verdict pourrait établir un précédent sur la responsabilité pénale des ministres face aux défaillances administratives de la Primature.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd