Dans un climat de courtoisie politique, la passation de pouvoir entre Aimé Boji Sangara et Adolphe Muzito au ministère du Budget de la République Démocratique du Congo a révélé des ambitions chiffrées audacieuses. Le nouveau titulaire du portefeuille, ancien Premier ministre entre 2008 et 2012, hérite d’une machine budgétaire que son prédécesseur a fait passer de 3 à 18,4 milliards de dollars. Un héritage imposant, mais que Muzito entend dépasser en promettant un doublement du budget national RDC. Mais à quel prix ?
Lors de la cérémonie du 12 août, Muzito a rendu un hommage appuyé à Boji Sangara, soulignant une « performance et une fierté pour notre pays » : « Vous trouvez 3 milliards et vous triplez en peu de temps ». Ce triplement historique s’est accompagné d’une mobilisation réussie des ressources du FMI et de la Banque mondiale, consolidant l’équilibre des finances publiques à 51.553,54 milliards de francs congolais. Pourtant, cette réussite semble déjà insuffisante aux yeux du nouveau ministre.
Dans une déclaration teintée de réalisme politique, Muzito a conditionné son objectif de doublement à la volonté présidentielle : « Je vais faire un effort pour doubler, mais le tout dépend de lui ». Cette soumission aux décisions de la présidence interroge sur l’autonomie réelle du gestionnaire du budget national RDC. Le ministre évoque des « sacrifices » à imposer au peuple et à l’administration publique, sans toutefois en préciser la nature. Serait-ce l’annonce voilée de mesures d’austérité ou de réformes fiscales impopulaires ?
La priorité affichée reste la relance des routes RDC, particulièrement la route nationale n°1 dans l’Est du pays. Muzito a insisté sur l’existence de « financements disponibles », transformant ce dossier en test décisif de sa gestion. Le choix est stratégique : ces axes routiers sont vitaux pour désenclaver les zones minières et apaiser les tensions régionales. Cependant, l’expérience passée montre que la concrétisation des engagements infrastructurels reste le talon d’Achille des gouvernements successifs.
En sollicitant l’accompagnement de Boji Sangara – désormais ministre de l’Industrie – pour les réformes en cours, Muzito reconnaît implicitement la complexité du chantier. Son retour aux commandes budgétaires, seize ans après une première expérience (2007-2008), intervient dans un contexte économique mondial tendu. La promesse de doublement relève-t-elle de la gageure ou d’une ambition réaliste ? Tout dépendra de la capacité à transformer les « sacrifices » annoncés en gains de productivité et à optimiser la collecte des recettes.
Le défi est de taille pour l’ancien Premier ministre : doubler un budget déjà triplé tout en finançant la relance routes RDC nécessitera une maîtrise inédite des dépenses publiques. L’ombre de Boji Sangara, dont les résultats sont salués par son successeur, plane comme un étalon de mesure exigeant. Dans les couloirs du ministère, on chuchote que Muzito devra concilier rigueur budgétaire et pragmatisme politique pour éviter que son passage ne soit qu’un épisode transitoire dans l’histoire économique tourmentée du Congo.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
