Dans un coup de filet ciblant les réseaux de financement des violences dans l’est de la République démocratique du Congo, le département américain du Trésor a imposé mardi des sanctions économiques contre plusieurs entités impliquées dans le commerce illégal de minerais critiques. Ces mesures frappent directement la Coalition des Patriotes Résistants Congolais-Force de Frappe (PARECO-FF), la Coopérative des Artisanaux Miniers du Congo (CDMC), ainsi que les sociétés hongkongaises East Rise Corporation Limited et Star Dragon Corporation Limited.
Selon les déclarations officielles du Bureau du contrôle des avoirs étrangers (OFAC), ces sanctions américaines RDC visent spécifiquement à tarir les sources de revenus des groupes armés qui entretiennent l’instabilité chronique au Nord-Kivu. Le PARECO-FF, apparu en 2022 dans la région minière stratégique de Rubaya, est accusé d’avoir institué un système de prédation économique incluant l’exploitation minière illégale, la perception de taxes forcées et le recours au travail servile. Comment des minerais extraits dans la souffrance parviennent-ils à inonder les marchés mondiaux ?
La mécanique dénoncée par Washington révèle un circuit bien rodé : la CDMC aurait servi de courroie de transmission en achetant les minerais de conflit issus des zones sous contrôle du PARECO-FF pour les revendre aux entreprises asiatiques East Rise et Star Dragon. Ces « minerais de sang » emprunteraient ensuite la route du Rwanda avant d’atteindre principalement la Chine, alimentant ainsi l’économie de guerre dans l’est congolais. Cette annonce intervient alors que le groupe rebelle M23, soutenu par Kigali selon les experts de l’ONU, étend son emprise territoriale dans la région.
Concrètement, les sanctions entraînent le gel immédiat de tous les avoirs américains de ces entités et interdisent aux citoyens et entreprises états-uniens toute transaction commerciale avec elles. Un responsable du Trésor a précisé que ces mesures visaient à « induire un changement positif de comportement » tout en sécurisant les chaînes d’approvisionnement mondiales en minéraux critiques. Cette offensive s’inscrit dans une stratégie plus large visant à assécher les financements des milices par le commerce illégal minéraux.
L’impact potentiel de ces sanctions dépasse le simple cadre économique. Les analystes soulignent qu’elles pourraient compliquer les opérations bancaires internationales des sociétés impliquées et exercer une pression diplomatique accrue sur le Rwanda, régulièrement accusé de servir de plaque tournante à ce trafic. Toutefois, des questions persistent : ces mesures suffiront-elles à démanteler des réseaux ancrés depuis des décennies dans l’économie minière informelle de la RDC ? La complexité des circuits d’exportation et la porosité des frontières régionales demeurent des défis majeurs.
Cette action américaine rappelle la persistance du lien mortifère entre conflits armés et ressources naturelles en RDC, près de quinze ans après l’adoption de la loi Dodd-Frank sur les minerais de conflit. Elle intervient dans un contexte sécuritaire particulièrement dégradé où les groupes armés prolifèrent malgré les opérations militaires gouvernementales et le déploiement de la mission de l’ONU. Les observateurs internationaux scrutent désormais les réactions des autorités congolaises et rwandaises face à ce durcissement qui met en lumière les complicités transfrontalières permettant ce commerce illégal minéraux.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd