Dans le silence assourdissant des salles abandonnées, une voix s’élève comme un gong résonnant au-delà des frontières. Freddy Mayombo Mbilia, secrétaire général des Jeunes Patriotes Congolais de la Diaspora, a transformé la Journée internationale de la jeunesse en tribune pour un plaidoyer poignant. Son constat, tel un couperet, tombe avec une lucidité douloureuse : « Sans repères culturels, notre jeunesse marche dans le brouillard ». Ces mots, prononcés le 12 août, dessinent la carte d’une amnésie collective où les phares culturels se sont éteints un à un.
Derrière l’hommage appuyé à Yolande Elebe Ma Ndembo, reconduite au ministère de la Culture, des Arts et du Patrimoine, perce une urgence vitale. Mayombo salue certes « cette femme de lettres porteuse d’une vision patriotique », incarnant selon lui une mobilité culture congolaise ancrée dans ses racines. Il applaudit l’initiative Toz’Art Elongo, ces séances culturelles destinées à éveiller les consciences. Mais son regard, tel un scanner, révèle les plaies béantes du patrimoine : la salle Mongita, le Zoo culturel, l’espace Moto na Moto Abongisa de Bandalungwa – ces lieux culturels emblématiques de Kinshasa – ne sont plus que fantômes parmi les ruines.
Quel avenir pour une nation dont les sanctuaires créatifs sont transformés en églises ou laissés aux rongeurs ? Ces espaces jadis vibrants, construits sous Mobutu, étaient des laboratoires où se forgeait l’âme congolaise. On y apprenait à déclamer Sankuru comme on respire, à ciseler une mélodie, à débattre de l’histoire avec des yeux qui brûlent. Aujourd’hui, les jeunes errent comme des âmes en peine, condamnés à faire des bars leur unique cathédrale artistique. « Les jeunes n’ont plus d’espaces pour se construire », déplore Mayombo, sa voix charriant l’amertume d’un exilé qui voit sa patrie perdre ses boussoles.
Mais le secrétaire général ne se contente pas de dresser un constat d’échec. Son projet s’étend comme une toile d’araignée sur l’ensemble du territoire national. Il appelle à une révolution culturelle concrète : la réhabilitation des lieux culturels à Kinshasa doit s’accompagner de la création de centres culturels dans les 145 territoires de la RDC. Imaginez ces micro-forteresses de la créativité surgissant à Beni, à Kolwezi ou à Tshikapa ! Mayombo en esquisse même le financement : allègements fiscaux, partenariats public-privé, mécénat international. Aux gouverneurs de provinces, il lance : « Trouvez des partenaires pour bâtir des salles de production musicale dignes de notre héritage ! »
Dans ce discours de Freddy Mayombo Mbilia, chaque mot est un coup de pioche contre l’indifférence. Car derrière les murs à reconstruire, c’est une colonne vertébrale nationale qu’il s’agit de ressouder. « Une jeunesse sans repères culturels est une nation en errance », assène-t-il, rappelant que 60% des Congolais ont moins de 25 ans. Comment construire demain si les passerelles vers hier sont coupées ? Les nations fortes, rappelle-t-il, ne se mesurent pas seulement à leurs barrages hydroélectriques mais à la vigueur de leur imaginaire collectif.
L’appel résonne comme un tambour dans la nuit : gouvernement, secteur privé, diaspora – tous doivent s’unir dans cette croisade. Il ne s’agit pas simplement de restaurer des façades, mais de redonner chair à ces lieux où battait le cœur de la congolité. Car chaque pierre de la salle Mongita ressuscitée sera un pavé dans le chemin de l’identité retrouvée. En cette ère de globalisation dévorante, la mobilité culture congolaise doit puiser dans ses racines pour inventer sa modernité.
Le plaidoyer de Mayombo, porté par le vent de la Journée mondiale, dessine ainsi une cartographie de l’espoir. Entre la réhabilitation des sanctuaires oubliés et l’essor de nouveaux centres culturels enracinés dans les territoires, c’est un pont générationnel qu’il propose de bâtir. Pour que cesse la marche aveugle dans le brouillard. Pour qu’enfin, la jeunesse congolaise puisse danser à la lumière de ses propres étoiles.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc