L’élargissement du Pacte social pour la paix et le Bien-vivre-ensemble, impulsé par le président Félix Tshisekedi, a donné naissance au Conseil Inter-Religieux Congolais (CIC). Cette nouvelle structure, rassemblant huit confessions reconnues en RDC, vient de livrer une analyse en demi-teinte des documents préparatoires proposés par le tandem CENCO-ECC.
Les experts religieux mandatés par le CIC ont passé au crible le Guide du Pacte social et le Rapport d’information. Leur verdict, dévoilé ce lundi 11 août 2025, souligne certes la “qualité globale” des travaux, mais pointe des lacunes préoccupantes. Cette évaluation critique interroge-t-elle la viabilité d’une initiative censée fédérer les énergies pour la paix dans les Grands Lacs ?
Des Omissions Stratégiques qui Interpellent
Premier écueil majeur relevé : un flou sémantique entourant des concepts centraux. Les termes « Pacte social » et « Grands Lacs » souffriraient d’une polysémie générant “ambiguïtés et risques de confusion stratégique”. Plus grave encore, les experts déplorent l’absence de mention explicite de “l’agression de la RDC par le Rwanda sous couvert du M23”. Cette omission stratégique ne risque-t-elle pas d’affaiblir la crédibilité du Pacte face à une réalité géopolitique brûlante ?
Le déséquilibre géographique de l’analyse sécuritaire est également fustigé. La focalisation quasi exclusive sur l’Est du pays occulterait dangereusement “d’autres foyers de tension”, créant une vision tronquée des défis sécuritaires congolais. Enfin, l’absence de reconnaissance des “acquis constitutionnels fondamentaux” – inviolabilité des frontières, légitimité de l’ordre constitutionnel, rôle du Chef de l’État – jette une ombre sur l’ancrage national du projet.
Failles Méthodologiques et Ambiguïtés Diplomatiques
L’examen technique ne s’arrête pas là. Les experts religieux relèvent des “imprécisions” dans la composition du Secrétariat technique et un “mode de sélection controversé des experts”. Plus inquiétant, ils pointent des “pouvoirs excessifs accordés à certains organes”, soulevant des questions sur l’équilibre des pouvoirs au sein de la structure porteuse.
Sur le plan diplomatique, le rapport dénonce une “confusion entre diplomatie religieuse et étatique”, en l’absence d’un “mandat clair”. Cette porosité des rôles n’expose-t-elle pas le processus à des interférences contre-productives ? Les experts mettent en garde contre un “risque de rejet par les parties prenantes non suffisamment impliquées”, un terreau fertile à un “potentiel conflictogène”. La portée géopolitique, jugée “mal définie”, pourrait quant à elle diluer “les priorités nationales dans une logique sous-régionale peu maîtrisée”.
Un Engagement Critique mais Constructif
Malgré ces réserves sévères, Monseigneur Dodo Israël Kamba, archevêque de la Mission Sacerdoce Royal et porte-parole du CIC, a salué le travail initial de la CENCO-ECC. “Nous reconnaissons les sacrifices que vous avez consentis, nous reconnaissons les efforts de chacun et nous remercions également le travail de la CENCO-ECC fait avec amour pour le pays”, a-t-il déclaré, tout en justifiant la rigueur de l’examen : “cela ne nous a pas empêché d’approfondir et de trouver ce qu’il y avait à arranger”.
Affichant une détermination sans faille pour l’initiative de paix dans les Grands Lacs, Mgr Kamba a rassuré : “Dans cet esprit patriotique, nous nous disons que c’est un engagement […] nous n’allons jamais reculer, nous n’allons jamais abandonner ce que nous nous sommes engagés de faire jusqu’au bout”. Il a précisé que les travaux des experts du CIC s’appuyaient sur les documents initiaux fournis par la CENCO-ECC, confirmant l’ouverture du tandem à enrichir le projet souhaitée par Félix Tshisekedi.
La Longue Marche Vers un Pacte Fragilisé ?
Cette analyse minutieuse du Conseil Inter-Religieux Congolais intervient dans un contexte où l’initiative du Pacte social, portée depuis plus de trois mois par les églises catholique et protestante, peinait déjà à convaincre certaines franges de la sphère politique et ses soutiens. La création du CIC et ses critiques constructives représentent-elles une chance de consolidation ou un nouvel écueil pour un projet aux ambitions régionales ?
Alors que le président Tshisekedi a mis en place une équipe chargée d’approfondir le Pacte avec la CENCO-ECC, les réserves substantielles émises par les experts religieux jettent une lumière crue sur les défis à surmonter. La balle est désormais dans le camp des initiateurs. Saurent-ils intégrer ces critiques pour forger un Pacte social crédible, ancré dans la réalité congolaise et capable de répondre aux attentes de paix durable et de bien-vivre ensemble dans la région des Grands Lacs ? L’équilibre semble précaire entre l’urgence d’une action concertée et la nécessité d’une fondation solide et incontestée.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd