Dans la salle communale de Maluku, où résonnaient les échos d’une réalité trop souvent étouffée, Maître Sylvie Diulu posait un constat accablant : « À Maluku, les cas de violences basées sur le genre sont fréquemment banalisés, voire justifiés par certaines pratiques coutumières ». Cette déclaration, lancée lors de l’atelier organisé par le Réseau Cris de la Femme (CDF) du 31 juillet au 1er août 2025, révélait l’urgence d’agir dans cette commune périphérique de Kinshasa. Sous le regard attentif du bourgmestre Mampa Mundoni Alexis, une dizaine d’acteurs administratifs, judiciaires et coutumiers se sont engagés dans un combat contre l’impunité.
Pendant deux jours, ces relais locaux ont été outillés pour prévenir, prendre en charge et réprimer les violences faites aux femmes et filles. Un phénomène d’autant plus préoccupant que, comme l’explique la formatrice principale, « les lois existent mais leur application reste extrêmement limitée ». Le manque criant de coordination entre les autorités, l’insuffisance de sensibilisation et les failles du Code de la famille ont été pointés du doigt. Comment briser le silence dans une société où les traditions parfois étouffent les droits fondamentaux ?
Face à ce défi, la présidente du CDF Jeanne Kabuo et la cheffe de projet Jocelyne Musasa ont martelé un message clé : seule une synergie entre secteurs coutumier, administratif et judiciaire peut construire une riposte efficace. « Les participants doivent s’approprier cette lutte et devenir des agents actifs du changement », insiste Jeanne Kabuo. Cette vision prend tout son sens alors que les statistiques locales sur les violences basées sur le genre à Maluku restent alarmantes, même si souvent invisibilisées.
L’atelier a aussi été l’occasion de présenter un nouvel outil continental : la Convention africaine sur l’élimination des violences faites aux femmes et filles, adoptée en février 2025 à Addis-Abeba. Un texte qui complète le Protocole de Maputo en intégrant des formes émergentes de violence comme le féminicide et les cyberattaques. « Cette Convention s’inscrit dans une vision holistique : prévention, protection, répression et réinsertion », précise Jeanne Kabuo, tout en lançant un appel pressant au gouvernement congolais : « À ce jour, seul Djibouti l’a ratifiée. La RDC doit montrer l’exemple ! »
À l’issue des travaux, les participants ont pris des engagements concrets : renforcer la chaîne locale de protection, améliorer les mécanismes de signalement et agir dans leurs sphères d’influence. Mais derrière ces promesses se cachent des défis immenses. Comment appliquer ces connaissances quand les structures manquent ? Comment concilier droit moderne et pratiques ancestrales ? La route vers une véritable protection des femmes en RDC reste semée d’embûches.
Pourtant, cet atelier VBG à Kinshasa représente une lueur d’espoir. Comme le souligne un participant sous couvert d’anonymat : « Pour la première fois, chefs coutumiers et juges parlent le même langage ». La mise en œuvre de la Convention africaine pourrait offrir un cadre plus contraignant, mais son efficacité dépendra de la volonté politique. Alors que le soleil se couchait sur Maluku, une question demeurait : cette mobilisation sera-t-elle le ferment d’un changement durable ou une énième initiative sans lendemain ? L’espoir réside dans ces acteurs locaux désormais armés pour transformer la théorie en action.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd