Dans l’obscurité de la nuit de mardi à mercredi, un crépitement sinistre a réveillé Bandundu. Un fil électrique sectionné près d’une échoppe – simple étincelle devenue brasier incontrôlable – a transformé le marché central en enfer. En quelques heures, 19 entrepôts gorgés de marchandises, chambres froides et étals se sont mués en paysage de cendres. Ce mercredi matin, l’odeur âcre de la catastrophe dans le Kwilu planait encore sur des montagnes de vivres calcinés et d’habits réduits en lambeaux.
« Un fil conducteur s’était coupé ici, c’était entre 19 et 20 heures. Quand cette maison a pris feu, nous avons essayé sans succès de l’éteindre », raconte un commerçant sinistré, le regard vide. Ses mains tremblantes dessinent l’étendue du désastre : « Plus de 30 personnes y gardaient leurs produits. Tout est parti. » La scène apocalyptique montre l’ampleur du feu au marché central : des tonnes de denrées alimentaires carbonisées voisinent avec des carcasses tordues de réfrigérateurs, tandis que des femmes éplorées fouillent les décombres à la recherche d’un semblant de survie.
Sur l’avenue Lui, un autre commerçant erre comme une âme en peine. « Je suis mort, j’ai tout perdu. Un capital de 10 à 20 millions FC, comment vais-je faire ? », lance-t-il, la voix brisée par l’incompréhension. Cette interrogation déchirante résonne comme un cri collectif parmi les sinistres de Bandundu. Comment reconstruire une vie quand le court-circuit à Bandundu a englouti des années de labeur en quelques minutes ? La précarité frappe brutalement des familles entières qui vivaient au jour le jour de ce négoce.
Face à l’urgence sociale, le vice-gouverneur du Kwilu, Espoir Masamanki, s’est précipité sur les lieux. « Nous avons palpé du doigt la situation », déclare-t-il, visiblement ému par les témoignages de détresse. Son équipe promet une commission d’enquête pour « établir les responsabilités » et identifier les victimes en vue d’une assistance. Mais derrière ces annonces officielles, une réalité glaçante persiste : le poste des sapeurs-pompiers, situé à quelques mètres seulement, ne dispose d’aucun véhicule anti-incendie. Un paradoxe mortifère dans une province où, rappel funeste, cinq membres d’une même famille périrent dans les flammes en octobre 2020.
Cette catastrophe à Bandundu soulève des questions brûlantes sur la vulnérabilité des infrastructures publiques. Comment une ville chef-lieu peut-elle être si démunie face aux sinistres ? Les témoins décrivent des tentatives désespérées d’éteindre le feu avec des seaux d’eau – mesure dérisoire contre un ennemi dévorant. Le marché central, poumon économique de la région, n’était-il pas une cible prioritaire pour la prévention ? Cette négligence coûte aujourd’hui des millions de francs congolais en pertes matérielles et plonge des centaines de personnes dans l’incertitude absolue.
Alors que les fumées se dissipent, l’ombre d’une autre tragédie plane. Les incendies à Bandundu suivent-ils une malédiction ou révèlent-ils l’impunité d’un système qui laisse ses citoyens sans protection ? Les sinistrés, eux, n’ont pas le luxe des grandes analyses. Accroupis devant les ruines de leur existence, ils comptent les miettes de leur avenir. Le feu marché central de Bandundu n’a pas seulement brûlé des marchandises ; il a consumé des rêves, réduit en cendres l’espoir de toute une communauté. Reste à savoir si les promesses d’assistance traverseront l’épaisse couche de cendres qui recouvre désormais la ville.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd